Nos commentaires et avis sur le Plan local de mobilités soumis aux contributions publiques jusqu’au 14 mai. Nous nous félicitons des orientations stratégiques en faveur d’un territoire plus sain, plus vivable et plus sobre. Mais certains points méritent d’être précisés comme la place de la voiture et des transports routiers ou la transformation de la porte de Bagnolet ou encore le stationnement.
Selon ses obligations de décliner à l’échelle intercommunale le Plan de déplacements urbains d’Ile-de-France (PDUIF), Est Ensemble révise pour les cinq ans à venir son document stratégique désormais appelé le Plan Local de Mobilité.
Les Ecolos Solidaires se félicitent des orientations stratégiques qui y sont envisagées pour aménager un territoire plus sain, plus vivable, et plus sobre à l’heure du dérèglement climatique et des enjeux sur la biodiversité. Il s’agit en effet de réduire les polluants et les émissions de gaz à effet de serre liés aux déplacements, transformer l’espace public et accompagner le changement des pratiques, développer une offre de services de transport, et construire un cadre référentiel et réglementaire.
Pollution et gaz à effet de serre, de quoi parle-t-on ?
Selon Airparif, pollution et dérèglement climatique sont deux phénomènes bien distincts bien qu’ils proviennent d’une cause commune :
- La pollution de l’air est due à la présence de polluants de l’air, des gaz et des particules qui ont un impact direct et local sur la santé humaine.
- Les gaz à effet de serre sont des gaz responsables du réchauffement climatique, mais qui n’ont pas d’impacts directs sur la santé humaine, mais un impact global sur le réchauffement du climat.
Les deux premiers objectifs du PLM sont de (p.216) :
– « Réduire les émissions de polluants liées aux déplacements »
– « Garantir des déplacements décarbonés efficaces à tous, sur tout le territoire »,
avec l’ambition inscrite en sous-texte « Le PLM doit répondre aux objectifs de justice climatique et sociale qui forment le cœur du projet stratégique d’Est Ensemble […] ».
La question des polluants est bien adressée par l’objectif n°1. Celle des gaz à effets de serre l’est avec l’objectif n°2, puisque le CO₂ est bien le principal gaz rejeté par le secteur des transports. Pourtant, on peut regretter le vocabulaire employé qui ne parle que de décarbonation et laisse penser que le passage du moteur thermique au moteur électrique va suffire à résoudre le problème. On aurait préféré une autre formulation : « Rendre les déplacements pour tous, sur tout le territoire, plus accessibles et plus efficaces au regard des problématiques d’émissions de gaz à effets de serre, mais aussi de pollution, et d’encombrement. »
Il faut reconnaître que l’ensemble des politiques et des récits médiatiques mettent une emphase déséquilibrée sur les émissions de CO₂. Or, rappelons que l’eau sous toute ses formes représente près des ¾ des gaz contribuant à l’effet de serre, le quart restant étant composé de plusieurs gaz, le CO₂ principalement, mais aussi le méthane, les halocarbures (gaz réfrigérants, CFC, etc), le protoxyde d’azote, l’ozone, etc.
En Ile-de-France, le trafic routier est responsable de 34% des émissions de gaz à effets de serre (GES), soit le secteur le plus émetteur, devant le secteur résidentiel.
Airparif dossier n°7-8 – janvier 2023 – Les différentes sources d’émissions en Île-de-France en 2019
Concernant les polluants, cette question est particulièrement aiguë à Bagnolet dont les quartiers sont traversés par l’autoroute A3 et dont les habitants sont directement concernés par les troubles de la santé qui en résultent. Airparif fait un travail remarquable de suivi en direct de l’état de la pollution de l’air, avec une analyse des taux des principaux polluants responsables des troubles de la santé : l’ozone, le dioxyde d’azote, les particules PM10 (de diamètre inférieur à 10 µm), les particules fines PM2,5 (de diamètre inférieur à 2,5 µm), le dioxyde de soufre. Ces mesures permettent de constater plusieurs jours de dépassements des seuils chaque année.
Le trafic routier, en Ile-de-France, est responsable d’entre la moitié et les deux tiers des émissions d’oxydes d’azote.
Rappelons également que ne sont pas en cause seulement les gaz d’échappements mais aussi les gommes des pneus, les garnitures de frein et l’érosion de la surface de la route, qui, selon un rapport du gouvernement britannique de 2019 « Non-Exhaust Emissions from Road Traffic » représentent pour le trafic routier 60% des émissions de particules PM2,5 et 73% des PM10.
On voit donc que le passage du moteur thermique au moteur électrique ne résout pas le problème de la pollution car c’est intrinsèquement le passage même des véhicules qui pollue. Il faut réduire le trafic.
Enfin, il faut aussi considérer que les émissions ne polluent pas seulement l’air, mais aussi les sols et les milieux aquatiques.
D’autres pollutions sont en jeu : le bruit est une des premières causes de mortalité en ville, avec l’épuisement auquel soumet une exposition constante. Une autre pollution à laquelle il est fait allusion avec l’action 1.10 «Utiliser des espaces actuellement dévolus aux stationnements automobiles à d’autres usages » mais sans être énoncée explicitement, c’est la pollution visuelle et l’encombrement de l’espace public dévolu à l’automobile depuis près d’un siècle, et de façon plus accentuée, à Bagnolet, depuis les années 70. La ville de Paris surtaxe le stationnement des SUV. La raison n’en est pas seulement parce qu’ils consomment plus de carburant, mais simplement parce qu’ils sont plus volumineux. La surtaxe du tarif de stationnement pour les SUV est une mesure qui devrait être ajoutée à l’action 3.3 « Faire évoluer les politiques de stationnement et assurer leur contrôle ».
Voiture individuelle, ennemi n°1 ?
A l’objectif un peu incantatoire, donc, de « Garantir des déplacements décarbonés efficaces à tous, sur tout le territoire », on préfère nettement l’affirmation de l’orientation n°1 « Transformer l’espace public pour réduire l’usage de la voiture et apaiser la ville », et le sous-texte : « Le PLM doit répondre aux objectifs de justice climatique et sociale qui forment le coeur du projet stratégique d’Est Ensemble et ce en déployant des solutions alternatives à la voiture individuelle. » En effet, la voiture individuelle est clairement moins efficace que les transports collectifs et beaucoup plus polluante. En cela, le PLM désigne bien l’un des principaux axes sur lequel transformer les pratiques. C’est très clair.
Cependant, il eut été intéressant de mettre en avant, dès la page 218 d’introduction, l’importance d’une réflexion stratégique concernant la logistique. En effet, d’après l’infographie d’Airparif citée plus haut, les transports de marchandises et les véhicules utilitaires représentent 38% des émissions du secteur des transports, la voiture individuelle 43%.
La logistique est pourtant bien abordée dans l’action 1.3 « Contraindre la circulation de transit et la circulation de poids lourds », puis dans l’orientation 2 sur le développement des services avec l’action 2.5 « Développer les services pour la mise en place de livraisons propres et favoriser les expérimentations » et dans l’orientation 3 sur le cadre réglementaire avec l’action 3.2 « Appliquer le futur schéma directeur d’Est Ensemble de la logistique », l’action 3.5 « Faire évoluer les politiques de livraisons et assurer leur contrôle », etc. Mais elle n’est pas abordée d’une façon systémique à l’échelle de la région et de la métropole.
Autoroutes apaisées : réduire le trafic
Les pollutions et émissions de gaz à effet de serre sont concentrés autour des autoroutes. L’action 1.2 est donc en effet l’une des premières, les plus prioritaires : « Faire évoluer les autoroutes sur Est Ensemble ». La question implique en effet une cohérence globale du schéma de circulation métropolitain et régional.
Le PLM indique « la démarche locale portée par Est Ensemble permettra de rédiger un plaidoyer pour interpeller et engager le dialogue avec les partenaires à une échelle plus large que le territoire d’Est Ensemble. » Pour appuyer le plaidoyer par des actions concrètes, nous recommandons qu’Est Ensemble organise des manifestations festives du type opérations escargot sur la A3 pour faire participer les habitants à la réappropriation de l’autoroute et de ses usages.
L’Institut Paris Région, qui a animé pour Est Ensemble des ateliers sur ce thème des autoroutes apaisés, le rappelle. La métropole parisienne admet, avec ses autoroutes aux portes du boulevard périphérique, une internalisation du trafic bien davantage que sa voisine Londres.
Quelle transformation pour la porte de Bagnolet?
L’étude sur la transformation de la porte de Bagnolet ne peut pas être menée de façon complète si elle n’est pas accompagnée d’un travail avec l’État sur l’évolution de la circulation sur les autoroutes urbains et la réduction du trafic sur la A3 depuis la francilienne jusqu’à transformer la section entre la A86 et le périphérique en boulevard urbain. D’autres options de réduction des voies, avec une réflexion sur la mise en place de voies réservées fonctionnelles sont possibles.
L’action 1.2 doit porter tant sur le transport des personnes que sur le transport des marchandises. Or la réduction du transport de marchandises sur l’autoroute A3 n’est pas abordée dans le PLM. Elle n’est incluse ni dans l’action 1.2 qui parle du trafic en général, et plus particulièrement de la voiture individuelle, ni dans l’action 1.3 « Contraindre la circulation de transit et la circulation de poids lourds » qui aborde la pacification des quartiers au regard du trafic de transit léger et poids lourds. Pourtant, une réflexion stratégique à l’échelle régionale et métropolitaine est absolument incontournable pour accompagner les réflexions sur l’apaisement des autoroutes. Si le trafic logistique de transit inter-régional n’a pas vocation à passer par les autoroutes urbaines de petite couronne, la logistique de desserte doit cependant être considérée comme potentiellement stratégique. L’option d’une voie réservée est à envisager.
Pour la réduction de la voiture individuelle, elle passe comme mentionné par des aménagements des accès aux autoroutes, mais aussi par la réduction du nombre de voies.
Nous sommes convaincus que c’est la voirie qui conditionne le type de véhicules qui y passent. Il faut oser réserver une voie aux véhicules légers de moins de 500 kg pour inciter les usagers à préférer les véhicules plus sobres. Or avec les voitures électriques et les SUV, la mode est à la surenchère de poids et d’encombrement.
Des voies dédiées. Crédits : Guillaume Danel pour Est Ensemble sur une idée d’Édith Félix
La notion de péage urbain n’est pas clairement abordée dans l’action. Pourtant, elle mérite d’être étudiée comme une option à généraliser sur l’ensemble des autoroutes de petite couronne accessibles en transports en commun.
Développer l’offre bus
L’action 1.4 « Développer l’offre bus » reprend les besoins et opportunités identifiés dans la très utile étude menée spécifiquement par Est Ensemble sur cette question. Nous nous félicitons notamment de l’attention à renforcer l’offre des lignes 76, 102, 122 et 351 qui concernent particulièrement les Bagnoletais.e.s. Notamment, la ligne 351 n’a actuellement pas un bon niveau de service, avec une fréquence faible. Elle permet pourtant de relier d’une part le RER A à Nation, et d’autre part le pole d’activité de Roissy, deux attracteurs pour la population de Bagnolet. Enfin, la création d’une ligne supplémentaire de liaison Nord-Sud, avec le tracé proposé par Est Ensemble au travers du territoire de la ville, devrait aider à rééquilibrer un peu le déficit d’accès des habitants de la commune aux transports ferrés.
Plans de quartiers apaisés
On note que l’action 1.3 « Contraindre la circulation de transit et la circulation de poids lourds » identifie le quartier des Coutures comme étant l’un des quartiers dans lequel il est nécessaire de mettre en place un plan de circulation apaisée pour y éviter le trafic de transit.
Les services des villes peinent à trouver la capacité de mener de genre d’étude. Pour avancer sur ce sujet, il faudrait considérer un accompagnement par les personnels d’Est Ensemble.
Stationnement
On note que l’action 3.3 « Faire évoluer les politiques de stationnement et assurer leur contrôle » recommande la généralisation du stationnement payant sur l’ensemble du territoire de Bagnolet. Ceci n’exclut pas la mise en place d’un forfait résidentiel gratuit ou peu coûteux pour le premier véhicule du ménage, la préconisation du PLM étant d’un forfait résidentiel de 1€ par jour, ou 7 € par semaine, ou 25 € par mois.
Le PLM recommande d’ « instituer une tarification progressive du stationnement », c’est à dire une tarification plus chère à l’heure à mesure que le véhicule reste longtemps sur place.
Le PLM recommande également aux communes de :
– Engager une réflexion pour fixer le nombre d’agents de contrôle nécessaires selon les différents types de réglementations ;
– Mettre en œuvre une communication et une politique de contrôle visant à lutter contre le stationnement illicite.
En effet, selon le PLM, le contrôle de la réglementation sur les places réglementées (payantes + zone bleue) nécessiterait pour la ville de Bagnolet entre 13 et 21 agents sans Lecture Automatique des Plaques d’Immatriculation (LAPI), et 6 agents avec LAPI.
En revanche, le nombre d’agents nécessaires pour le contrôle des stationnements illicites n’est pas indiqué, et c’est dommage. Il faut noter que cette mission ne peut être déléguée à un prestataire, et que les ASVP doivent l’adresser en priorité pour l’accessibilité des trottoirs et le meilleur fonctionnement des circulations sur les axes de transit.
Comme indiqué précédemment, nous recommandons la mise en place d’une tarification surtaxée pour les SUV.