Avoir une voiture à Bagnolet, combien ça coûte?

Cet article analyse le coût des déplacements en automobile, pour un.e habitant.e de Bagnolet, sans discussion sur le bien-fondé de la généralisation de la voiture individuelle dans une organisation sociale harmonieuse (à ce sujet, lire « l’idéologie de la bagnole »). Dans l’article suivant, nous développons une approche économique des alternatives à la voiture individuelle.

Peut-on voir Bagnolet comme une cité heureuse et vertueuse, où la place de l’automobile n’est pas centrale pour ces habitants ? En effet, seul.es 20% des Bagnoletais.es actif.ves utilisent leur voiture pour aller travailler, 59% les transports en commun. Le taux de motorisation des ménages est l’un des plus faible de la métropole du Grand Paris et de notre territoire d’Est Ensemble. Ne peut-on voir cette faible motorisation comme un atout pour une organisation urbaine future favorable aux transports en commun et aux mobilités actives et douces?

Le taux de motorisation des ménages à Bagnolet est en effet en 2018, selon l’IRIS, de 0,61 véhicules par ménage, 0,45 aux Coutures, 0,72 à Gallieni et au Plateau. Les chiffres ont baissé depuis.

Deux facteurs récents marquants impactent fortement le budget des ménages qui possèdent et entretiennent un véhicule personnel : d’une part, on assiste à une forte augmentation du prix des carburants et d’autre part la mise en place de la Zone à Faibles Émissions dans les métropoles qui impose de limiter le déplacements des véhicules les plus anciens.

Prix des carburants et ZFE pèsent particulièrement sur les ménages les plus modestes en possession des véhicules les plus anciens et les incitent à acquérir des voitures électriques ou hybrides. Mais en ont-ils les moyens ?

(Sur l’opportunité d’une transition énergétique à l’électrique pour les véhicules, se référer à la rencontre du Grand Cycle sur les Mobilités du 19 janvier 2023 avec Alexandre Faure )

Le budget de l’automobile pour les ménages

Les Français sous-estiment pour moitié le budget qu’ils consacrent à leur automobile. D’après une étude de l’ACA (Automobile Club Association) réalisée en 2017, les Français dépensent en moyenne 6 063 € par an dans leur voiture, soit 505 € par mois. D’autres études estiment à un peu plus de 400 euros par mois la dépenses (https://reporterre.net/La-voiture-le-gouffre-financier-des-Francais). Dans tous les cas, il s’agit avec le logement d’un des deux postes de dépenses principaux. Ce montant comprend le coût de la voiture elle-même, ainsi que l’assurance, le carburant, les péages, le parking, l’entretien, et bien plus encore. Cela représente un coût au kilomètre de 36 centimes en moyenne tout compris.

Carburant

En 2017, le coût du carburant représentait 8% et 16% de ce budget total, soit en moyenne environ 60 €/mois. Depuis il a augmenté d’au moins 20 € avec une hausse d’environ 35% du prix du carburant depuis 2017.

Prix de revient kilométrique

Le prix de revient kilométrique est estimé, selon les véhicules, entre 0,3 centimes d’€ /km et 3,8 € /km, et en moyenne à 0,7 € /km.

Quizz :

Combien coûte une course au Centre commercial régional de Rosny-sous-Bois à 5,9 km ?

En partant de la salle Pierre et Marie Curie aux Malassis, la course au CCR de Rosny monte à presque 8,26 € ; 12 € en partant du centre ville de Bagnolet. Imaginons qu’il faille ajouter 2€ de parking

Parking et stationnement

Pour le stationnement également, les politiques publiques ne cessent d’évoluer. Avec la pression pour utiliser le moindre mètre carré d’espace dans les métropoles, le prix d’une place de stationnement en surface peut atteindre 8€ / 12 minutes à Shibuya au Japon, et 8 € / h dans les capitales européennes comme Londres ou Paris. Pour les résidents sont mis en place de systèmes d’abonnements très variables selon les collectivités, allant de la gratuité à des forfaits de plusieurs dizaines d’euros par mois.

Entretien

Le prix d’entretien annuel moyen est estimé à 1700 € ; il augmente plus le véhicule vieillit.

On se trouve donc devant un paradoxe : les ménages les plus modestes sont aussi ceux qui dépensent le plus pour entretenir leur véhicule. Cette situation grève leur capacité d’investissement pour acquérir un véhicule plus récent.

Notons une triple peine pour les ménages modestes : la mortalité routière est plus importante pour les plus pauvres en cas d’accident, du fait que leur véhicules plus anciens possèdent des systèmes de sécurité moindre, alors même que le poids moyen des véhicules ne cessent d’augmenter. Avec l’avènement du tout SUV, l’ensemble des utilisateurs de la route qui ne sont pas en SUV courent des risques plus importants en cas de collision.

Achat

8.000 € , c’est l’investissement moyen des français lorsqu’ils achètent un nouveau véhicule neuf ou d’occasion. Le prix moyen du neuf en France est de 23 000 euros, mais la majorité des français achètent des véhicules d’occasion.

Écologie et Rétrofit

La ZFE pousse au renouvellement du parc automobile en faveur de voitures électriques. Mais ces dernières sont plus coûteuses à l’achat.

Et puis, en considération du bilan carbone entrant dans la production du véhicule, une démarche soucieuse de cet aspect mènerait à faire durer le véhicule malgré le surcoût à l’entretien. Une démarche plus écologique conduirait à privilégier le rétrofit. Cette pratique consiste à retirer le moteur thermique ainsi que le réservoir du véhicule et à les remplacer par un moteur électrique et une batterie. Son coût est au moins de 8.000 €, mais monte facilement au double, c’est-à-dire que le coût du rétro-fit dépasse le budget moyen que les français mettent pour le renouvellement de leur véhicule.

Bonus écologique et Prime à la conversion

A ce jour, vu que l’entretien est plus coûteux pour les véhicules plus anciens, il y a une logique économique à privilégier le remplacement des véhicules anciens, d’autant plus qu’un nouveau décret* de fin décembre 2022 met à jour la réglementation sur les aides de l’état pour l’achat ou la location de véhicules moins polluants. Ces aides sont majorées ou réservées aux ménages dont le revenu fiscal est le plus faible. Mais l’accès à ces aides est complexe et dépend des conditions de mise au rebut de l’ancien véhicule et de choix du nouveau véhicule. Le bonus écologique n’est possible que pour les véhicules fonctionnant à l’électricité, à l’hydrogène, ou un hybride des deux, qui imposent un investissement excédant les capacités des ménages modestes.

La prime à la conversion dépend du véhicule que vous abandonnez, mais inclut des véhicules hybrides thermiques Crit’Air 1.

La Métropole du Grand Paris octroie des primes supplémentaires.

Plage de rentabilité des véhicules

Bien que discuté selon les sources, les véhicules électriques sont plutôt tenus pour rentables pour des usages au delà à 40 km/jour. Étant donné la distance moyenne de 20 km parcourue pour les trajets domicile/travail, dans bien des cas, ceci n’est pas adéquat pour des véhicules personnels, mais peut l’être pour des flottes de véhicules professionnels ou pour de l’autopartage, un service d’abonnement à une flotte de véhicules pour l’emprunt ponctuel.

Tant pour le véhicule que pour son stationnement, la possession d’un véhicule familial n’est pas rentable s’il est utilisé en deça de trois fois par semaine. Le coût mensuel de 500 € correspondant à la possession d’un véhicule devient supérieur à celui de locations ponctuelles, ou d’une location pour les vacances.

En conclusion, une logique purement économique suffit à justifier de chercher une alternative à la possession d’un véhicule personnel.

L’acquisition d’un véhicule électrique reste difficile pour des raisons économiques, sans parler de l’aspect pratique.

Ce contexte présente une opportunité historique pour remettre en question le paradigme de la voiture individuelle qui a marqué notre urbanisme depuis cent ans.

*Décret n° 2022-1761 du 30 décembre 2022 relatif aux aides à l’acquisition ou à la location de véhicules peu polluants : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046848201

Le ministère de l’écologie indique que «  Vous pouvez bénéficier de deux aides à l’achat ou à la location (pour une durée d’au moins deux ans) d’une voiture particulière peu polluante, cumulables entre elles : le bonus écologique et la prime à la conversion.
Le bonus écologique est une aide d’un montant maximum de 6 000 € pour l’acquisition d’une voiture électrique, neuve ou d’occasion, ou d’une voiture hybride rechargeable neuve.
La prime à la conversion est une aide à l’acquisition d’un véhicule peu polluant neuf ou d’occasion en échange de la mise au rebut d’une voiture ou d’une camionnette Crit’Air 3 ou plus ancienne (diesel immatriculée pour la première fois avant 2011 ou essence immatriculée pour la première fois avant 2006). Les montants d’aide sont dépendants du niveau de revenu. Vous pouvez bénéficier jusqu’à 3 000 € pour l’achat d’un véhicule Crit’Air 1 neuf ou d’occasion dont les émissions de CO2 sont inférieures ou égales à 127 g/km (ou 137 g/km si le véhicule a plus de 6 mois) et jusqu’à 5 000 € pour l’achat d’un véhicule électrique ou hybride rechargeable neuf ou d’occasion. »

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