La rue Raoul Berton vient d’être plantée le 19 décembre de 17 arbres, de la même essence que ceux de la rue voisine, la rue Marie-Claude et Paul Vaillant-Couturier. Avec les arbres, la transformation écologique de cette rue commence à être tangible. Retour sur les facteurs d’une transformation qui reste, somme toute, innovante, malgré tous les freins à surmonter.
La rue Raoul Berton est la première rue de Bagnolet à conjuguer les facteurs majeurs d’une transformation écologique de l’espace public réussie.
Tout d’abord, les circulations sont profondément modifiées en faveur des modes doux, piétons et vélos, et pour les livraisons des commerces en horaires matinaux. La rue respire, que l’on connaissait engorgée avec des stationnements parfois en triple file. Les piétons peuvent, en restant vigilants, emprunter soit les trottoirs pour l’accès aux commerces, soit la voie centrale pompiers passée au statut de Zone de Rencontre, sur laquelle ils sont prioritaires.
La rue est transformée pour une promenade agréable des piétons et pour l’agrément des terrasses, avec plantation d’arbres et un couvert végétal qui ornera les deux noues ou fossés aménagés de part et d’autre de la voie, apportant ombre et fraîcheur.
La principale innovation, c’est que la rue est conçue pour conserver sur place les eaux de pluies même en cas de fortes pluies. Cela signifie que les plantations profitent directement de l’eau de pluie, et peuvent ainsi rafraîchir davantage par leur plus grande évapotranspiration. Mais surtout, cela signifie que l’eau de pluie n’est pas rejetée au réseau de collecte unitaire, se mêlant à nos eaux usées et provoquant comme le 11 juin 2023 dernier le débordement de ces mêmes réseaux sur la voie publique. Non seulement la surface des trottoirs ruisselle dans les noues, mais aussi, du moins dans l’intention, celle de la voie de circulation. Cette organisation est donc le bon chemin vers un aménagement vertueux.
Innovation et freins à l’innovation
Pourtant, faire réaliser les plans pour cet aménagement n’a pas été si simple tant les métiers de la voirie et des études d’aménagement ne sont pas encore formés à la gestion des eaux pluviales. Pour la plupart d’entre eux, les préceptes restent ceux de M. Belgrand qui organisa dans tout Paris le réseau des égouts et équipa chaque rue d’avaloirs pour y mener les eaux de ruissellement. Aussi, il a fallu imposer que le cabinet d’études linéaires en charge de la conception de l’aménagement rédige une notice de gestion des eaux pluviales, document décrivant comment les volumes d’eau de pluie pourront être stockés temporairement dans les espaces de noues en attendant qu’ils s’infiltrent, qu’ils soient absorbés par les végétaux et qu’ils s’évaporent dans les 24 heures.
A l’initiative du Directeur de la voirie, une réunion avait été montée en septembre 2022 entre les spécialistes de la gestion des eaux pluviales du département d’hydrologie urbaine de la régie publique de l’eau d’Est Ensemble et le cabinet d’études linéaire Ségic. Les agentes d’Est Ensemble avaient averti sur la nécessité d’améliorer le projet sur les points suivants :
- produire, donc, une notice de gestion des eaux pluviales ;
- séparer le volume des noues en plusieurs compartiments par le moyen de redents perpendiculaires à la pente, afin d’augmenter le volume de rétention des noues ;
- faire un profil en toit à la chaussée centrale, avec le point haut au centre de la chaussé et une pente vers les noues latérales, sans quoi le ruissellement partira vers le bas et non vers les noues du fait de la forte pente
- freiner le ruissellement de l’eau sur la chaussée centrale par le moyen de caniveaux et de , ou empierrements de pavés que l’on trouve sur le bord des chaussées pour conduire le fil d’eau. Ce dispositif a aussi la vertu de rendre visible le parcours de l’eau, il est donc pédagogique, et esthétique. Je l’avais donc demandé dès le départ dans l’expression de besoin initiale, sans avoir été entendue. Il aurait également eu la fonction de ralentisseur…
Les redents ont été adoptés. Vous pouvez les voir aisément dans les noues de la rue Raoul Berton. La notice de gestion des eaux pluviales a montré que l’espace des noues avec leur profil en creux est largement dimensionné pour retenir les fortes pluies (de retour de vingt ans). Elles peuvent aussi recueillir les eaux pluviales des toitures des immeubles de la rue pour les pluies de retour de dix ans. En revanche, vous le voyez aussi, la chaussée centrale est un billard et le ruissellement part tout droit dans la rue Sadi Carnot. Tous les bons réflexes ne sont pas encore passés dans les habitudes des concepteurs et des réalisateurs d’aménagement de voirie.
Et pour la suite ?
En février, les noues seront plantées avec une couverture végétale en pieds d’arbres.
A cette occasion, il faudra être vigilants à ce qu’elles soient profilées conformément au cahier des charges avec un profil en creux.
En mars, autour de la Journée mondiale de l’eau, un événement pour petits et grands sera organisé pour célébrer cette avancée dans la reconnexion de nos eaux de pluie avec le sol de Bagnolet, et pour jouer avec les noues.
Et plus tard, on espère voir apparaître en beau lanièrage en forme de goutte d’eau, en forme de pêche ou plus simplement en arête de poisson.
Et aussi, on espère organiser la connexion des gouttières des bâtiments privés à cette infrastructure publique, de façon à valoriser leurs eaux pluviales au bénéfice des plantations de la noue, c’est-à-dire pour l’agrément de toutes et tous !