Vingt ans de lutte pour l’accès aux ondes

Pendant des années près de la porte de Bagnolet, des habitants du XXe arrondissement et de Seine-Saint-Denis ont été privés de nombreuses stations, dont celles de Radio France. Une association a mené bataille pour réparer cette injustice, ce qui a été fait en 2016. Un livre retrace ce combat. Par Marie Scagni.

Habitants, travailleurs ou automobilistes de passage, toute personne familière de l’Est parisien connaît les difficultés pour écouter la radio en approchant la porte de Bagnolet. Patricio, 45 ans, passe régulièrement près des tours Mercuriales. Même s’il prend moins sa voiture qu’avant, il n’a « pas le souvenir que la bande FM ait déjà fonctionné ici ».

Constat similaire chez Josette, une habitante de Bagnolet de 85 ans : « J’ai lâché l’affaire depuis des années. Maintenant, je regarde seulement la télé. » Idem pour le café baptisé l’Antenne, dans la même commune : le personnel n’a plus l’habitude de profiter de la musique via les ondes hertziennes.

Il est pourtant possible d’écouter la radio dans cette zone. Mais seulement depuis 2016. Pendant quatorze ans, près d’un tiers des 48 stations parisiennes, parmi lesquelles les sept fréquences de Radio France, étaient brouillées pour une partie de l’Est parisien. Bagnolet, Montreuil, le XXe arrondissement de Paris, Romainville, Les Lilas : au total, 200 000 habitants en étaient privés. La raison : deux antennes installées sur les Mercuriales par les opérateurs TDF et TowerCast, causant un champ radioélectrique trop important dans un périmètre de 1,8 km. La première, qui diffusait trois stations de radio, a été désactivée en 2013, la seconde émet dix stations.

C’est principalement grâce à l’association des Sans Radio de l’Est parisien, créée en 2005, que l’accès aux ondes, notamment celles de Radio France, y a été rétabli. Pour cela, il aura fallu des années de combat, rythmées d’actions en justice, de pétitions, de rencontres et de négociations avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel — devenu l’Arcom —, TowerCast et TDF. « Une bataille au nom du principe fondamental d’égalité d’accès au service public », selon Michel Léon, fondateur et président de l’association.

« On n’aurait pas un tel brouillage dans un quartier bourgeois »

Dans son livre « les Sans Radio, histoire d’un mouvement citoyen », publié en juillet 2022*, ce dernier raconte vingt ans de combat pour le retour de la radio. Cet ex-habitant de Bagnolet se souvient des prémisses du mouvement qu’il a contribué à lancer. « C’était en octobre 2002, entame-t-il. J’emmenais ma petite fille près de la porte de Bagnolet. J’écoutais la radio, et tout à coup plus rien. Étant journaliste et radiophile, c’était insupportable pour moi et je voulais faire quelque chose. »

Selon Michel Léon, le caractère populaire du territoire n’est pas totalement étranger à la persistance d’une telle situation pendant des années. « C’était d’une totale injustice, juge-t-il. On n’aurait jamais installé des antennes responsables d’un tel brouillage dans un quartier bourgeois. »

Si les stations de radio sont désormais accessibles, ce n’est pas par la bande FM mais par une technologie numérique plus récente : le DAB +. En 2014, à la suite de négociations avec TowerCast, l’association a obtenu la pose d’un émetteur de ce type sur les Mercuriales. D’abord en phase d’expérimentation, l’installation a été pérennisée en 2021. Ainsi, les 40 000 foyers concernés par le brouillage ont pu à nouveau écouter leurs émissions préférées.

« Avec Internet c’est pratique, mais ça coupe souvent »

Malgré cette victoire, peu sont ceux qui connaissent aujourd’hui la technologie DAB +. Même Miguel, qui avait signé la pétition de l’association à son arrivée à Bagnolet, il y a seize ans, n’en a « jamais entendu parler ». Comme la plupart des adeptes de la radio, l’homme de 69 ans écoute désormais ses programmes par Internet.

Pourtant, la qualité n’est pas du tout la même, à en croire Michel Léon. « La DAB + bénéficie d’une qualité qui, certes, pourrait être meilleure mais qui est relativement confortable, estime-t-il. Avec Internet c’est pratique, mais le son est plutôt médiocre et ça coupe souvent. »

Si un matériel adapté est nécessaire pour bénéficier de cette technologie, une grande partie des postes de radio récents sont compatibles. Considérant que « le combat est réussi », l’association ne revendique plus aujourd’hui qu’un accès à un meilleur débit pour bénéficier d’une qualité sonore supérieure.

*« Les Sans Radio, histoire d’un mouvement citoyen » par Michel Léon, en autoédition. 148 pages. Tarif : 12 euros. Le livre est en vente en ligne et dans plusieurs librairies des villes concernées.

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