Une autre vision du changement climatique

Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) publie un document essentiel sur le changement climatique, mettant en avant le rôle des plantes, des sols et de l’eau pour rafraîchir le climat. L’impact humain sur le cycle de l’eau (et en particulier la vapeur d’eau) est mis en avant plutôt que les émissions de CO2.

D’emblée le document de synthèse du Programme des Nations Unies pour l’Environnement « travailler avec les plantes, les sols et l’eau… » annonce sa démarche : il va aborder le changement climatique et son aggravation, mais pas de la manière habituelle : les facteurs qu’il met en avant sont la destruction continue des forêts et la réduction de la rétention d’eau dans les espaces naturels, en particulier dans les sols.

La destruction des forêts était jusqu’ici abordée du point de vue du stockage de carbone (CO2 capté par les arbres et transformé par la photosynthèse) ou des émissions qui en résultaient. La question des sols a été mise en avant plus récemment, du point de vue de leur appauvrissement en matière organique (humus) et de la chute des populations de micro-organismes dans le sol ou de lombrics.

Mais aborder l’un et l’autre sous le prisme de la vapeur d’eau, de la baisse d’évaporation due à la destruction de couverture forestière, et de l’assèchement des sols lié à la modification de la couverture des sols est une perspective que n’ont – hélas – jamais abordée ceux qui travaillent sur le climat, en particulier le GIEC.

Pour sa part, la Coordination EAU Île-de-France, depuis longtemps, avec en particulier notre exposition « eau et climat, c’est le moment d’agir » réalisée en 2015, en nous inspirant des travaux de Michal Kravcík et Jan Pokorny (Slovaquie, République Tchèque), de l’expérience de Rajendra Singh en Inde et de contributions de militants de l’eau à travers le monde (dont Maude Barlow au Canada), met en avant le rôle essentiel du cycle de l’eau pour le climat et son évolution, en montrant comment l’énergie du rayonnement solaire se transformait, suivant la couverture du sol, en réchauffement (« chaleur sensible ») ou en rafraîchissement (« chaleur latente »), par la biais de l’évapotranspiration des plantes et de l’émission de vapeur d’eau.

C’est justement les flux d’énergie entre les plantes, les sols et l’atmosphère qui sont à la base de l’analyse du document du Programme de Nations Unies pour l’Environnement. Ces flux suivant les cas réchauffent (surfaces sèches telles que champs après la récolte) ou rafraîchissent le milieu ambiant (forêts, prairies humides) en évaporant de la vapeur d’eau. Les flux de vapeur qui en résultent créent des nuages, qui vont réfléchir les rayons du soleil (effet albédo) et se déplacer parfois sur des longues distances. Déforester à un emplacement a donc des conséquences sur les pluies parfois très loin, et la forêt, si elle est proche d’un océan, attire en plus de l’humidité de la mer qui alimente les pluies sur les continents.

Ainsi, c’est l’impact de l’homme sur la circulation de la vapeur d’eau dans l’atmosphère qui est mis en avant, à travers les conséquences de la modification de la couverture des sols (transformation de forêts en cultures comme dans les régions tropicales). Ces changements ont des conséquences majeures sur le cycle de la vapeur d’eau dans l’atmosphère avec en particulier des baisses de précipitations, que ce soit au niveau de la mousson en Inde, ou dans le nord-ouest des États-Unis, en lien avec la déforestation en Amazonie.

Lorsqu’il n’y a pas ou plus de couverture végétale (forêt coupée « à blanc », champ moissonné) le sol irradie la chaleur du soleil, conduisant à des températures élevées à la surface. La perte de forêts conduit aussi à la perte d’aérosols produits par les arbres, qui favorisaient la création de nuages. Elle assèche les terres, ce qui favorise les incendies de forêts.

Examiner le changement climatique actuel non sous le point de vue des émissions de gaz à effet de serre, mais avec l’éclairage de la vapeur d’eau et de son cycle comme le fait la synthèse du Programme de Nations Unies pour l’Environnement amène à des conclusions relativement différentes de celles faites habituellement, avec des conséquences importantes sur les implications pour les politiques à mettre en œuvre.

Les forêts apparaissent particulièrement importantes pour le climat, et il est donc essentiel d’arrêter la déforestation et d’accroître le reboisement, ce que les divers accords sur le climat n’ont jamais prescrit comme priorité. Le fait que les décisions du GIEC soient issues d’un accord entre états peut l’expliquer, certains états, comme le Brésil, appuyant au contraire la déforestation.

Il faut aussi régénérer les sols appauvris, en assurant la couverture végétale du sol et en utilisant les méthodes agroforestières.

Ce document dégage ainsi des perspectives positives pour atténuer le changement climatique, tout en créant des écosystèmes résilients. Il faut maintenant en convaincre les décideurs, et faire qu’elles soient adoptées : notre avenir sur une planète vivable en dépend.

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