Les tarifs de l’eau plongent à Est Ensemble

Mardi 28 novembre, le conseil de territoire d’Est Ensemble a voté (avec plus de 80% de suffrages favorables) de nouveaux tarifs de l’eau … en baisse pour tous les usager.e.s domestiques! Le passage en régie publique permet cette avancée en écornant la rente de Veolia. C’est une  nouvelle tarification sans abonnement, avec une première tranche gratuite et progressive qui sera appliquée en 2024, une première en Île-de-France et, sans doute, en France. La présentation de Jean-Claude Oliva et les interventions d’Anne-Marie Heugas, et de Julie Lefebvre, du groupe écologie et citoyenneté.

La présentation des nouveaux tarifs par Jean-Claude Oliva, vice-président d’Est Ensemble et président de la régie

« Je voudrais tout d’abord saluer et remercier les citoyennes et les citoyens qui sont présent.es ce soir dans la salle du conseil de territoire. Cela n’arrive quasiment que lorsque l’eau est à l’ordre du jour. Il y a toujours besoin de vous, de votre mobilisation pour accompagner le développement de la régie publique et pour résister aux pressions marchandes et/ou bureaucratiques.

A l’invitation de plusieurs associations regroupées dans un Forum citoyen de l’eau, j’ai eu l’occasion de présenter en avant-première dans trois villes devant plus de 80 personnes, les mesures qui seront votées ce soir. Dans l’ensemble, elles ont été bien accueillies, selon les résultats d’un questionnaire rempli par les participant.e.s. Bien sûr, il y a des questions et aussi des propositions issues de ces échanges très riches ; je les ai bien notées et nous aurons l’occasion d’y revenir d’une façon précise.

Le vote de ce soir est l’aboutissement d’un processus démocratique inédit pour les élu.e.s d’Est Ensemble. Deux passages ont eu lieu en Bureau de territoire les 13 septembre et le 15 novembre. Deux passages également au CA de la régie, le 20 septembre et 28 septembre. A l’issue de notre vote ce soir, il y aura une nouvelle information au CA de la régie jeudi 30 novembre. C’est une rupture avec la longue période passée au SEDIF où les tarifs annuels étaient votés au comité syndical et où surtout, il n’y a jamais eu de discussion de fond sur la construction de ces tarifs.

Jusqu’à présent, la tarification de l’eau est complexe et peu lisible ; des usagers dans une même ville et dans un même type de logement peuvent avoir des tarifs très différents. Nous avons voulu au contraire une tarification plus simple et universelle, la même pour tous les usagers domestiques en habitat individuel comme en habitat collectif.

La première mesure est la suppression de l’abonnement. Celui-ci pénalise ceux.celles qui consomment le moins. C’est à dire les personnes seules, les familles monoparentales avec un à trois enfants, les couples avec un ou deux enfants, qui constituent l’immense majorité des habitant.e.s de notre territoire. Près de 92% des ménages d’Est Ensemble comprennent au plus quatre personnes. Seulement 3% plus de cinq personnes. Nous nous sommes appuyés sur une connaissance précise des réalités socio-démographiques de notre territoire grâce aux analyses du laboratoire Gestion territoriale de l’eau et de l’environnement de l’INRAE à Strasbourg.

La seconde mesure est une première tranche gratuite pour l’eau vitale. Un peu plus de 10 m3/an. Cela correspond à l’eau pour la vie, c’est à dire l’eau pour la boisson et pour la cuisine. C’est calculé sur la base de la consommation d’un foyer de six personnes ;

Ensuite plusieurs tranches correspondant à l’eau utile 

2e tranche, de 18 m3, à 1,1988 €/m3 (à comparer au tarif actuel à 1,57€/m3 en habitat collectif) -linge ;

3e tranche de 58 m3/an à 1,332 €/m3 -bains, douches ;

4e tranche de 15 m3/an à 1,372 €/m3 -vaisselle ;

5e tranche de 30 m3/an à 1,42 €/m3 -toilettes ;

Enfin, l’eau « superflue » 

6e tranche de 9 m3/an à 1,4919 €/m3  ;

7e tranche au delà de 140 m3/an à 1,5366 €/m3 -en dessous du tarif actuel dans l’habitat collectif.

La tarification est progressive, plus on consomme, plus on paie.

Pour aller encore plus loin dans le sens de la justice, il faudrait pouvoir tenir compte du nombre d’habitants par logement. Aujourd’hui ce n’est toujours pas possible : malgré les promesses faites, il y a plusieurs années, par le gouvernement, nous n’avons pas accès aux données nominatives sur la composition des ménages et sur les revenus. Je viens d’ailleurs de cosigner une lettre à ce sujet avec de nombreux présidents de régie et de syndicats, et même avec M. Santini !

D’après nos calculs, tous les usagers domestiques paieront moins qu’aujourd’hui. Personne ne sera pénalisé par cette nouvelle tarification. Nous aurons néanmoins la possibilité de verser une allocation aux personnes en difficultés, via les CCAS. Une enveloppe maximale de 2% des recettes est prévue à cet effet.

Si tout le monde paie moins, nous aurons globalement moins de recettes. Et je vous rappelle que le service public de l’eau est financé exclusivement par la facture d’eau des usagers. Allons-nous arriver dans ce cas à investir davantage, dans l’objectif d’atteindre 1% de renouvellement de notre réseau par an, ce que n’a jamais fait le SEDIF à Est Ensemble ? Oui, car en sortant du système SEDIF-Veolia, nous récupérons une partie de la rente perçue par Veolia. Au SEDIF, 9% des produits des ventes d’eau reviennent à Veolia au titre de sa rémunération. A cela il faut ajouter les travaux de sous-traitance hors contrat, réalisés encore par Veolia. Nous ne récupérons pas toute la rente puisque nous acheterons encore en 2024 toute notre eau au prix fort au SEDIF, mais ce que nous récupérons sera suffisant pour mettre en place la nouvelle tarification et améliorer l’entretien et le renouvellement du réseau.

L’habitat collectif

Dans l’habitat collectif, un seul compteur pour un immeuble ou un groupe d’immeubles est pris en compte par le service public de l’eau (même si le bailleur ou le syndic a pu faire installer des compeurs individuels). Pour que les habitants bénéficient des mêmes avantages que dans les logements individuels, le tarif sera appliqué en tenant compte du nombre de logements. Par exemple, s’il y a 100 logements, la tranche gratuite sera de 100X10= 1000 m3/an et ainsi de suite pour les autres tranches. Il y a un enjeu à ce que bailleurs et syndics appliquent ensuite le même système de tarification que nous et ne fassent pas un lissage sur un prix moyen du m3.

L’usage économique

La plupart des professionnels sont aujourd’hui au même tarif que les usagers domestiques. Par exemple, les hôtels, les restaurants, les coiffeurs, etc. En moyenne, un coiffeur consomme 180 m3/an. Nous envisageons de créer ultérieurement un tarif professionnel différent de celui des usagers domestiques. En effet, il n’y a pas de raison qu’un professionnel bénéficie d’une tranche gratuite, par exemple. Cela impliquera un travail de recensement des compteurs destinés à l’usage des professionnels.

25 entreprises consommant globalement 646 000 m3/an sont aujourd’hui sur des tarifs professionnels fortement dégressifs. Nous changeons leur tarification pour les mettre sur un tarif unique, pour les inciter à consommer moins, tout en conservant globalement la même recette. C’est un premier pas, il faudra aller plus loin et les basculer eux aussi en tarif progressif pour les inciter à consommer encore moins.

L’intervention d’Anne-Marie Heugas, vice-présidente d’Est Ensemble, groupe écologie et citoyenneté

Anne-Marie Heugas a reçu au nom d’Est Ensemble, la carafe d’or décernée par le MNLE en août 2023.

Le vote de la nouvelle tarification de l’eau potable est une des grandes étapes de ce chemin que nous empruntons collectivement depuis le choix de créer une régie publique, en février 2022. Il confirme l’engagement d’Est Ensemble pour la justice sociale et environnementale.

L’objectif est de réduire notre empreinte collective sur l’eau, de réduire la consommation d’eau potable en premier lieu, qui demande non seulement un prélèvement d’eau dans le milieu naturel mais consomme aussi de l’énergie et diverses substances pour sa production.

Cela passe par une réduction de la consommation des usagers domestiques mais aussi et surtout des collectivités et des entreprises.

La tarification progressive a été mise en avant par le Plan eau annoncé par le Président de la république en début d’année. Mais le plus souvent, il s’agit d’un trompe l’œil. En effet, quand on tient compte de l’abonnement, de nombreuses tarifications progressives ne le sont plus. La suppression de l’abonnement garantit que la tarification progressive le sera vraiment.

Depuis 2011, le SEDIF a mis en place pour les usagers domestiques un tarif à deux tranches, une première tranche pour les consommations annuelles jusqu’à 180 m3 et un seconde tranche nettement plus chère (+33%) à partir de 181 m3. Cela pénalise l’habitat collectif qui se retrouve le plus souvent dans la seconde tranche, sans que les locataires ou les copropriétaires puissent directement influer par leur comportement sur la consommation d’eau.

Par contre, les véritables gros consommateurs bénéficiaient de tarifs très avantageux : 55% de ristourne pour une consommation de 511 000 m3 et plus ! A Est Ensemble, les 25 gros consommateurs qui bénéficiaient jusqu’à présent de ces tarifs très dégressifs auront, à recette globale égale pour la régie, un tarif unique et seront donc incités à trouver des solutions pour moins consommer.

Au-delà de la tarification, la régie travaille à proposer des solutions alternatives à l’eau potable pour des usages qui n’en n’ont pas besoin. Par exemple, pour nettoyer la voirie ou pour arroser les espaces verts.

Avec cette régie publique, avec cette tarification sociale et progressive, nous faisons le choix d’un modèle de gestion qui se développe en Île-de-France et dans tout le pays et deviendra majoritaire dans les prochaines années. L’eau, ce n’est pas que de l’eau, c’est de la démocratie, c’est de la justice sociale, c’est du droit humain, c’est de la préservation de l’environnement.

Nous devons mener à bien le projet décidé à l’unanimité et permettre maintenant à la régie publique de prendre son propre envol, aux côtés d’Est Ensemble.

L’intervention de Julie Lefebvre, 1ère vice-présidente d’Est Ensemble, groupe écologie et citoyenneté

Aujourd’hui, nous nous apprêtons donc à adopter une nouvelle tarification de l’eau potable pour les habitantes et habitants du territoire des 9 villes d’Est Ensemble.

Avec les élu.e.s du groupe Ecologie et Citoyenneté, je me réjouis de cette mesure politique forte qui est une étape importante dans la création d’une régie publique de l’eau.

Pour construire cette tarification, des études socio-démographiques ont été menées. Un dialogue constant avec les parties prenantes s’est tenu. Nous sommes donc au rendez-vous des revendications portées par les associations de consommateurs, des citoyens et citoyennes engagé.e.s sur cette question.

Avec une première tranche gratuite pour l’eau vitale, le droit humain à l’eau se concrétise. La suppression de l’abonnement et le tarif progressif participeront eux, à réduire les inégalités du territoire. La combinaison de ces mesures est une première dans notre pays, nous pouvons en être fiers !

Compte tenu des enjeux autour de la gestion de l’eau, de la raréfaction de cette ressource précieuse et des batailles menées autour de ce bien commun vital pour l’homme et son environnement, je salue ici l’engagement et le travail mené.

Je remercie sincèrement le Président d’Est Ensemble, Jean-Claude Oliva, Eve Karleskind, l’ensemble des services et des directions des villes et d’Est Ensemble ainsi que toutes les personnes qui ont travaillé à construire cette tarification.

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