A Marseille, une flamme olympique incompatible avec l’écologie populaire

Ouvrons les yeux : la flamme arrive dans une Europe forteresse qui a oublié ses traditions d’accueil et d’hospitalité : le coût économique astronomique des JO et de ses dispositifs expérimentaux de sécurisation qui à la fin sont payés par les contribuables et les collectivités (pour accueillir une étape de la flamme par exemple), dénoncent Sébastien Barles et Aïcha Sif, adjoints au maire de Marseille. Tribune initialement publiée dans Libération.

Tandis que les dirigeants se préparent à accueillir, le 8 mai en grande pompe à Marseille, l’arrivée de la flamme olympique, prélude aux Jeux olympiques 2024, comme beaucoup de Français.es et de Marseillais.es, nous ne croyons pas à la belle histoire que l’on veut nous raconter : celle des JO, vecteurs de paix et de concorde entre les peuples alors que la guerre est bien là sur le sol européen et méditerranéen en Ukraine et à Gaza.

Nous aurions aimé croire, avec l’arrivée de la flamme à Marseille depuis Olympie, à la résurgence de la belle légende fondatrice de notre ville, celle de la princesse «autochtone» Gyptis accueillant à bras ouverts et épousant le «métèque» Protis, venu de Grèce.

Nous croyons aux vertus de la pratique sportive, des rencontres et des échanges entre les peuples, des fêtes populaires, des moments de communion et de partage créant du lien social et de la fraternité. Nous éprouvons de l’émotion face aux prouesses des athlètes. Mais ne sommes pas dupes sur l’instrumentalisation des JO comme outil de détournement de l’opinion publique des enjeux vitaux de notre époque : le défi climatique et la sauvegarde de notre cadre démocratique et de notre pacte social.

Ces JO ont un impact écologique négatif

Ouvrons les yeux : la flamme arrive dans une Europe forteresse qui a oublié ses traditions d’accueil et d’hospitalité, qui est menacée par la montée du national populisme et des démocraties illibérales, et les JO sont pour le gouvernement et les organisateurs l’occasion de généraliser la surveillance dans l’espace public, notamment en testant la vidéosurveillance augmentée avec ses biais algorythmiques discriminatoires…

Ces JO ont un impact écologique négatif avec la construction de nouvelles infrastructures de béton ayant supprimé des espaces de nature (à l’instar des jardins ouvriers d’Aubervilliers, même si ce n’est pas le cas à Marseille), avec ses dérogations au droit de l’urbanisme et de l’environnement, avec son immense impact carbone lié aux déplacements intercontinentaux, ses sources de pollution en plus…

Les JO, et ceux de Paris n’y dérogent pas, accélèrent également les phénomènes de gentrification et de chasse aux pauvres des villes d’accueil avec des déplacements de SDF et de campements d’exilés. Ce nettoyage social est scandaleux !

De même, alors que jadis, ces grands événements s’accompagnaient, à l’instar de la Coupe du monde 98 de projets ancrés dans les quartiers pour véhiculer les valeurs du sport et de notre République, aujourd’hui, rien est fait en Seine-Saint-Denis (cœur des JO) pour créer un engouement populaire et de grandes fêtes ancrées dans les quartiers populaires comme avait pu l’être en 1998 la Carnavalcade, valorisant dans un esprit de fraternité les richesses et la diversité culturelle du territoire.

L’idéal olympique de Coubertin a été dévoyé

S’ajoute à cela : le coût pour les finances publiques des jeux et de ses dispositifs expérimentaux de sécurisation qui à la fin sont payés par les contribuables et les collectivités (pour accueillir une étape de la flamme par exemple). Les milliards d’argent public injectés dans ce grand événement planétaire auraient pu être très utiles pour financer les investissements nécessaires à la transition écologique et répondre à la montée de la précarité énergétique et alimentaire notamment.

L’idéal olympique de Coubertin a été dévoyé et l’arrivée du sponsoring dans les années 80 a accéléré les choses avec des JO qui servent depuis de vitrine pour de grandes opérations de greenwashing à la gloire de multinationales climaticides.

Citons ici Coca-Cola, parangon planétaire des ravages de la malbouffe et symbole de l’accaparement de l’eau dans les pays du sud, qui sera le parrain officiel pour l’accueil de la flamme olympique à Marseille et partout ailleurs.

Les JO servent aussi pour les dirigeants souhaitant accueillir les épreuves à jouer sur d’éculés leviers : rayonnement international, attractivité touristique, croissance économique du territoire, ruissellement… Pourtant, face à la crise climatique et aux impératifs de justice sociale qui doivent nous guider, il est impératif de changer radicalement de paradigme.

Il est grand temps de réinterroger ces grandes compétitions sportives internationales où l’argent règne en roi et le sport business et ses dérives participe au massacre environnemental. Ces jeux sont incompatibles avec l’écologie populaire et le nouvel imaginaire que nous défendons.

Signataires : Sébastien Barles Adjoint au maire de Marseille Nouriati Djambaé Conseillère municipale de Marseille et conseillère départementale Aïcha Guedjali Conseillère municipale de Marseille Prune Helfter-Noah Conseillère métropolitaine Aix Marseille et Aïcha Sif Adjointe au maire de Marseille.

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