À Bagnolet, au nord-est de Paris, se trouve la Ressourcerie du cinéma. L’objectif de ce projet né en décembre dernier est de recycler les décors utilisés sur le tournage, pour éviter que ces matériaux ne finissent à la poubelle. Nous l’avons visité. Par Sofia Anastasio dans l’émission Reportage sur France Musique.
Décors de fenêtre pour la Ressourcerie , © Karine d’Orlan de Polignac
Lorsque l’on entre dans l’entrepôt de la Ressourcerie du cinéma, ça sent le bois. Autour de nous, des panneaux, de deux mètres de hauteur. L’une des fondatrices des lieux, Karine d’Orlan de Polignac, nous en fait la visite, et entre deux planches commence par nous raconter comment est né le projet : « La Ressourcerie est née grâce à un collectif qui s’appelle Eco-Déco: un collectif de décorateurs du cinéma qui en avaient marre de voir à chaque fin de tournage tout jeté à la benne. Ils ont discuté de comment ils pouvaient éviter ça et très vite ils ont parlé de ressourcerie. Ça ne s’est pas fait parce qu’ils travaillaient et n’avaient pas le temps. Mais c’est resté dans les têtes jusqu’au jour où l’un de leur compère a eu un accident de vie qui ne lui permettait plus de travailler. Ils lui ont alors proposé de créer la ressourcerie ».
Ce compère, c’est Jean-Roch Bonnin, à l’origine de la Ressourcerie avec Karine d’Orlan de Polignac et William Abello. Et c’est ensemble qu’ils récupèrent les décors de cinéma : « On récupère des feuilles décors : des panneaux de bois qui servent à construire des murs. Dans le décor du cinéma il y a aussi tout ce qui sert au BTP, ça peut être des fenêtres, des portes, des revêtements de sol, des cheminées. Et donc on récupère ce matériau qui est souvent utilisé pas plus de trois semaines sur un film, parfois même une journée. Et pour vivre économiquement et payer ces locaux, on met en vente et à la location les feuilles décors afin qu’elles soient réutilisées ».
Une cuve de centrale nucléaire, un prison et un monastère
Mais il n’y a pas que des feuilles décors. À l’entrée, une cuve de centrale nucléaire, construite pour la FEMIS est en train d’être démontée. Certains décors récupérés par l’association ont beaucoup de succès : une prison, un ascenseur ou encore une salle d’hôpital. Karine d’Orlan de Polignac aime particulièrement un décor entier de monastère, construit pour une série : « Le sol est couvert de carrelage à l’ancienne, sauf que quand on marche dessus on s’aperçoit que ça ne fait pas le même bruit. Les murs, on s’aperçoit que c’est juste du papier. Il y a aussi une partie des toilettes du monastère dont on réalise, quand on tape dessus, que c’est du bois, du carton. »
Depuis son ouverture, le lieu, qui accompagne également les décorateurs pour travailler sur des décors « éco-conçus », rencontre un grand succès. Le cinéma est prêt à se rendre plus vert : « Depuis qu’on a monté la Ressourcerie on a beaucoup de jeunes qui viennent de façon volontaire, qui sont dans le cinéma et qui veulent aider, devenir bénévole, avoir des formations. C’est super parce que c’est vraiment un secteur qui est prêt à changer son comportement : les vieux sont déjà prêts depuis longtemps, mais les jeunes sont à fond. Eux ne veulent même plus entendre parler de jeter les déchets, ils veulent faire autrement et pour nous c’est super valorisant ».
La Ressourcerie doit d’ailleurs récupérer un local plus grand à Montreuil, deux fois 800 mètres carrés, avec un espace de construction pour les décorateurs. En plein Covid il est difficile de recevoir du public, mais l’activité devrait également se développer auprès des architectes d’intérieur, du secteur de l’événementiel et des particuliers.