Vers une réduction des microplastiques au niveau européen?

L’Union européenne s’apprête à interdire la mise sur le marché de microplastiques. Ces particules s’accumulent sur toute la planète, particulièrement dans les océans. La pollution qu’elles génèrent est irréversible. L’interdiction est ambitieuse mais les dérogations proposées à l’industrie pourraient affaiblir le texte, craignent les ONG. Extraits d’un article de Cédric Vallet dans Médiapart. A Bagnolet, nous sommes concernés par exemple par les terrains de sport synthétiques du stade des Rigondes, qui sont constitués de granulats issus de l’industrie des pneus recyclés. Ils ont été installés  il y a quinze ans pour une durée de vie annoncée de …dix ans!

Les microplastiques s’immiscent partout. Les sédiments de l’estuaire de la Seine subissent une contamination « modérée à forte », a récemment pointé le groupement d’intérêt public Seine-Aval. On les trouve aussi dans les moules et les crevettes que l’on pêche dans cette région.

Ces plastiques microscopiques, les scientifiques en dénichent dans le sol, dans l’air et même au cœur des montagnes ; mais surtout dans les cours d’eau, puis dans les océans, jusque dans les abysses et, enfin, ils transitent dans les organismes vivants qui les ingèrent. L’être humain, en bout de chaîne alimentaire, en consommerait 5 grammes par semaine, si l’on en croit les résultats d’une université de Newcastle.

Pour tenter d’endiguer cette vague gigantesque, la Commission européenne a demandé à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de concocter une « restriction », c’est-à-dire une interdiction de la mise sur le marché de ces microplastiques. Car cette pollution est irréversible. « Ces substances sont très persistantes dans l’environnement, explique Mark Blainey, de l’ECHA. Elles ont d’ores et déjà un impact sur l’environnement aquatique et cela va augmenter les prochaines années. »

Cependant, l’interdiction ne touchera pas tous les rejets de microplastiques. Tant s’en faut. La majorité de ces particules polluantes présentes dans l’environnement provient de la dégradation de plastiques, bouteilles, pneus, textiles. Dans l’Union européenne, 176 300 tonnes de microplastiques sont ainsi perdues dans la nature chaque année. La restriction de l’Union européenne ne s’appliquera pas à ces rejets dits « secondaires ».

Elle régulera l’ajout intentionnel, par l’industrie, de microplastiques dans des produits de consommation mis sur le marché. Ce qui couvre une quantité moyenne non négligeable de 42 000 tonnes de rejets annuels. « Interdire la mise sur le marché de tout produit contenant des microplastiques, c’est une très bonne ambition de départ », souligne Hélène Duguy de l’ONG en droit de l’environnement Client Earth.

Ces microplastiques « intentionnels » sont présents dans de très nombreux produits. Ils sont intégrés dans les formules cosmétiques ou dans des détergents, pour leurs propriétés exfoliantes, opacifiantes ou abrasives (ils permettent de mieux récurer par exemple). Dans des lessives, de microcapsules permettent de conserver sur les textiles une odeur « propre » plus longtemps. Dans l’agriculture, des pesticides ou des engrais sont diffusés grâce à des enrobages ou des capsules faites de microplastiques. Des milliers de sportifs évoluent sur des terrains de sport synthétiques à travers l’Europe composés de petits granulés de polymères (ensemble de molécules à la base du plastique).

Selon l’ECHA, cette restriction évitera le déversement de 500 000 tonnes de ces polymères en vingt ans (…)

Quels impacts sur la santé humaine?

L’ECHA rappelle pourtant que l’ingestion de microplastiques par des espèces animales peut affecter le fonctionnement de leur appareil digestif, endommager les branchies des poissons. Ces polymères sont souvent mélangés à d’autres substances, des additifs, comme des retardateurs de flammes par exemple ou des stabilisateurs d’UV, qui peuvent aussi avoir des effets toxiques. Les effets sur la santé humaine sont encore incertains. « Mais les preuves de leur impact négatif s’accumulent », précise Élise Vitali, de l’ONG Bureau environnemental européen. Pour le comité d’évaluation des risques, c’est bien la « persistance de long terme » des microplastiques et le potentiel stock irréversible d’une pollution associée « à des risques environnementaux et pour la santé humaine », qui justifient cette restriction (…)

Une si longue transition

Autre terrain d’affrontement : les durées de transition laissées à l’industrie pour remplacer les microplastiques. L’ECHA octroierait 8 ans dans le domaine agricole pour certaines capsules contenant des pesticides ; 5 ans pour les détergents et 5 à 8 ans pour reformuler les produits cosmétiques ou détergents qui « encapsulent » des fragrances, 6 ans pour des cosmétiques sans rinçage. « Certaines durées de transition sont énormes, déplore Hélène Duguy. Surtout dans certains domaines où des alternatives existent. Chaque année qui passe ajoute à l’accumulation de microplastiques. »

Quant au sujet très chaud des terrains de sport synthétiques, il fait l’objet d’un lobbying intense des associations de sport, des producteurs de terrain, de l’industrie des pneus recyclés (matière première des granulats utilisés pour ces terrains). Entre une meilleure gestion des risques sur ces terrains – des mesures pour éviter les pertes de microplastiques – et l’interdiction après six ans de transition, l’ECHA ne tranche pas. D’autres solutions existent. Les ONG les mettent en avant. Les échanges sont intenses. Ils continueront en coulisses jusqu’à la proposition finale de la Commission européenne, qui devra ensuite être votée par les États membres et avalisée ou rejetée par le Parlement européen.

2 réflexions sur « Vers une réduction des microplastiques au niveau européen? »

  1. Pour en savoir plus sur les mesures en cours pour réduire cette pollution infernale :
    https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/climat-et-environnement/la-protection-de-l-environnement-et-la-lutte-contre-les-pollutions/reduire-la-pollution-plastique-et-microplastique-un-enjeu-mondial/
    Et si on mettait les grandes surfaces devant leur responsabilité face aux producteurs ? Comme en Allemagne, demandons à ce qu’elles installent à leurs portes des conteneurs pour y déposer les emballages que nous jugeons superflus. Ce sont ensuite les grandes surfaces qui feront pression pour que les producteurs diminuent le suremballage inutile ou réfléchissent à faire des emballage « non polluant », acompostable

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