Le géographe Guillaume Faburel ne croit pas à la résilience des métropoles, à base de végétalisation, d’agriculture urbaine et de mobilité électrique. L’auteur d’« Indécences urbaines » (aux éditions Climats-Flammarion) défend un autre modèle, fondé sur le repeuplement des campagnes et des petites villes. Une rupture seule à même de répondre à la crise écologique, selon Guillaume Faburel.
D’où vient le credo de l’attractivité territoriale ?
L’expression gagne en notoriété dans les années 1990. Elle correspond à un changement de doctrine en matière d’aménagement du territoire. On passe de la métropole d’équilibre de la Datar, destinée à contrebalancer le poids de la région parisienne, à la métropole attractive. Chaque espace urbain est invité à produire ses propres richesses et à jouer sa propre partition dans le concert des métropoles européennes. Lyon est la première ville de France à employer le terme « attractivité » de manière totalement décomplexée. L’innovation et les grands projets urbains sont considérés comme un moyen de tourner le dos à la désindustrialisation de la fin des années 1970, qui a durement frappé l’économie locale. Elles sont aussi, pour Lyon, une manière de tenir la dragée haute à Paris. Cela se traduit, dans l’ordre institutionnel, par la reconnaissance de la métropole de Lyon (nouvelle collectivité issue de la fusion entre la communauté urbaine et le conseil général du Rhône sur le territoire intercommunal, ndlr) et des autres métropoles dans la loi « Maptam » de 2014.
Ce leitmotiv très « business friendly » n’a-t-il pas pris du plomb dans l’aile avec l’arrivée des exécutifs verts en 2020 ?
Les nouveaux gouvernements urbains écologistes tiennent un discours dans lequel l’attractivité n’est plus en odeur de sainteté, c’est vrai. Il serait évidemment bienvenu, écologiquement au premier chef, de mettre fin à cette course effrénée. C’est d’ailleurs demandé de très longue date par les populations. Mais les nouvelles équipes écologistes font surtout de l’environnementalisme et du développement urbain. Avec la revégétalisation, l’agriculture urbaine, la rénovation thermique et l’électromobilité, elles jouent la carte de la résilience des métropoles, et non de la décroissance, même planifiée.
La métropolisation ne peut donc pas être remise en cause ?
Il faudrait, pour cela, s’attaquer au capitalisme urbain et à ses intérêts, immobiliers, notamment. On pourrait aussi plafonner les populations. Les autorités chinoises s’y essaient en mettant la barre à 23 et 25 millions d’habitants d’ici à 2035 pour Shanghai et Pékin. Mais le régime est légèrement plus autoritaire… La décroissance n’est pas dans l’ethos des élus. Un élu, cela bâtit, cela érige, cela inaugure. La métropole de Bordeaux (750 000 habitants) voulait dépasser la barre du million d’habitants. Celle de Rennes négocie, dans le cadre du ZAN (zéro artificialisation nette), des droits à construire lui permettant de gagner 100 000 habitants (grâce à la densité, ndlr). Et je ne parle pas du Grand Paris…
De quelle manière la région capitale participe-t-elle à la course à l’attractivité ?
Il y a une accélération avec le Grand Paris express, qui est le plus grand projet urbain dans la capitale depuis Haussmann, le plus important dans toutes les villes-monde actuelles. Avec tout ce qui va être coulé de béton et d’asphalte, le Grand Paris express sera la veillée funéraire de Paris. La ville de Paris, elle-même, se prépare, dans un rapport, à des températures de 50 degrés…
Où se trouve la porte de sortie ?
Pour des raisons écologiques évidentes, elle se situe dans les villages et les petites villes qui ont des logements vacants, mais aussi des ressources de terre et d’eau offrant les conditions d’une autonomie vivrière. Il faut rendre attractives, non pas les métropoles, mais ces territoires là. Un programme espagnol finance les moins de 35 ans qui emménagent dans les campagnes. Il en est de même à Tokyo. En France, le Shift Project s’interroge sur la taille des villes. Cela cogite. Cela avance.