Une cinquantaine de personnalités franciliennes, dont des élus et des architectes-urbanistes, appellent à « changer de cap », car le « ruissellement métropolitain n’existe pas ». Tribune initialement publiée dans le JDD.
« La pandémie de Covid a ouvert de nombreux débats notamment celui des grandes concentrations urbaines. Elle a mis en lumière ce que tout le monde savait des métropoles gangrénées par les inégalités sociales, une métropolisation complice du dérèglement climatique. Alors même si la métropolisation fait gagner beaucoup d’argent à quelques-uns n’est-il pas temps de changer de regard pour la vie quotidienne du plus grand nombre et pour contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. Il faut se rendre à l’évidence, le ruissèlement métropolitain n’existe pas. Aucune concentration des fonctions stratégiques ou des appareils de commandement ou de contrôle des foyers de l’innovation n’a fait reculer les inégalités territoriales, permis des mesures environnementales à la hauteur des enjeux, ou promu le droit au logement pour tous. Le phénomène de métropolisation que nous connaissons est une reconfiguration volontaire des espaces urbains, pour permettre une circulation accrue des capitaux, des marchandises, des hommes et des données, soit une organisation propre au fonctionnement de l’économie capitaliste mondialisée.
Il faut rouvrir le débat de la métropole solidaire en son sein et avec les autres territoires en se débarrassant des poncifs de la “métropole compétitive”, de la “métropole attractive” et autre “smart city”. Il faut proposer les chemins de la coopération face à celui de la domination des plus forts. Il faut réfléchir la polycentralité pour ne pas faire de la centralité une “invisibilisation” de la diversité des territoires qui composent les aires métropolitaines et faire du “droit à la ville” une ambition de la coopération au sein de l’agglomération urbaine.
7 ans après la création de l’institution métropolitaine du Grand Paris, le bilan est sévère. Échec démocratique avec une institution illisible pour les citoyens, empêtrée dans des volte-face incessantes. Échec social avec une institution de guichetiers incapable d’organiser un minimum d’équité territoriale. Échec des politiques publiques d’urbanisme avec comme seule boussole la mobilisation illusoire de capitaux privés. Choix de civilisation, avec une institution obsédée par une compétition internationale si éloignée des grands défis environnementaux de notre temps. Et cet asservissement à la compétition mondiale se fait en détournant au profit de l’institution métropolitaine les moyens financiers des collectivités locales, indispensables aux fonctionnements des services publics de proximité essentiels pour la vie quotidienne de millions d’habitants et habitantes et salariés. C’est mortifère pour la très grande majorité des franciliens !
La commune, de par sa taille et les rapports entre citoyens et élus locaux, est l’espace dans lequel une démocratie directe est possible
Les thuriféraires de la globalisation et de la concentration métropolitaine pensent un vieux système, anachronique des révolutions industrielles (numériques et robotiques), énergétiques (avec l’essor des renouvelables), et de proximité avec l’utilisation des ressources locales et la croissance du réemploi. Nous proposons une autre vision de la construction métropolitaine. Une vision multipolaire fondée sur une réappropriation citoyenne de proximité, une vision pour sauver la planète, une vision de justice sociale et d’équité territoriale. La commune, de par sa taille et les rapports entre citoyens et élus locaux, est l’espace dans lequel une démocratie directe est possible. De nombreux citoyennes et citoyens et élus locaux s’y essaient quotidiennement. Les lois de décentralisation méritent d’être poursuivies. La commune doit être le creuset de l’organisation de l’espace métropolitain. L’intercommunalité de droit commun, lisible partout en France, peut offrir une ossature métropolitaine si elle respecte les bassins de vie humains et environnementaux. C’est le principe d’une organisation polycentrique de l’espace. Certains ont représenté cette organisation de l’espace sous la forme d’une marguerite. C’est une belle image qui dit le rôle de multiples pôles de vie sans ignorer la place particulière de la ville capitale. Nous n’ignorons pas que des enjeux environnementaux et d’équilibres Est-Ouest se jouent à l’échelle de l’espace dense de l’agglomération.
Le rapport de la Cour des Comptes communiqué ces jours-ci, sur l’institution métropolitaine du Grand-Paris confirme que celle-ci ne fonctionne pas, parce que non consentie, et sans fiscalité propre pour les territoires qui la compose. Le rapport émet des préconisations d’organisation d’un pôle métropolitain rassemblant les différents Territoires, redevenus des intercommunalités de droit commun. Ce pôle métropolitain associera les intercommunalités de la grande couronne et s’affranchira de cette coupure mortifère actuelle qui exclut les pôles de Roissy, de Saclay, ou encore de Marne-la-Vallée. Il devra investir dans la transition écologique et énergétique, la réduction des coupures urbaines et des inégalités territoriales.