L’hommage à David Perchirin

A la demande du collectif des parents de l’école Jaurès, une plaque  commémorative en hommage à David Perchirin a été posée devant l’école primaire le 13 novembre par le maire Tony Di Martino en présence de la famille de l’enseignant, du député Alexis Corbière, du représentant de l’Education nationale, M. Riquier, conseiller pédagogique de la circonscription et ancien enseignant dans cette école, et de nombreux parents et citoyen.ne.s. Ci-dessous l’hommage de l’association 13ONZE15, lu par des parents de l’école Jaurès, et le discours du maire.

Allocution de Philippe DUPERRON, président de l’association 13onze15, lue par Aglaé Bory et Jonathan Schnepp.

« 13 novembre 2022, sept longues années se sont écoulées depuis cette terrible soirée au cours de laquelle 130 personnes ont perdu la vie et des centaines ont été blessés dans leur chair et dans leur âme par la folie de fanatiques terroristes qui s’étaient autoproclamés les bourreaux d’une prétendue justice divine.

Sept longues années ponctuées, il y a peu, par dix longs mois d’un procès douloureux mais nécessaire dont le verdict, selon les paroles de Madame l’avocate Générale Camille Hennetier « ne guérira pas les blessures, visibles ou invisibles, il ne ramènera pas les morts à la vie, mais il pourra au moins les assurer que c’est, ici, la justice et le droit qui ont le dernier mot. »

Ainsi la page de la justice est désormais tournée et l’on pourrait craindre que la mémoire ne s’étiole, qu’elle ne s’efface.

C’est pourquoi il est si important que des initiatives, comme celle-ci, que vous avez prise, vous représentants de la ville de Bagnolet, sur la proposition du Collectif de Parents de l’école élémentaire Jean Jaurès, puissent laisser une trace de ceux qui sont partis, qui ont été assassinés cette nuit-là.

Commémorer, c’est marquer par une cérémonie, le souvenir d’une personne, d’un acte ou d’un événement, c’est aussi se rappeler, se remémorer. Nous n’avons ni les uns ni les autres le moindre effort à faire pour que nous revienne en mémoire les faits que nous avons vécus ou l’être que nous avons perdu. Mais si les victimes n’ont pas besoin d’une commémoration pour que le souvenir s’entretienne, il en va différemment de tous ceux qui ne sont pas directement concernés. La mémoire s’étiole naturellement et il est besoin de la raviver régulièrement pour que la flamme ne s’éteigne pas.

L’oubli est partie intégrante du travail de deuil, il permet d’atténuer les traces lancinantes de la perte, de surmonter un peu l’épreuve et
de regarder à nouveau vers l’avenir. L’oubli – au demeurant toujours relatif – est un mouvement spontané́ des sociétés.

Notre époque a balayé le temps où l’oubli plus ou moins forcé était la règle après un évènement traumatique tels les attentats du 13 novembre 2015 pour faire de la mémoire une valeur cardinale, un nouvel impératif moral, un nouveau droit humain. L’entretien volontaire du souvenir est ainsi devenu la norme. C’est la conséquence d’un monde devenu plus ouvert et donc plus incertain. Les politiques de mémoire, celles des pouvoirs publics comme celles résultant d’initiatives privées, ont précisément pour objectif non seulement d’honorer les morts et d’en garder le souvenir vivace, mais aussi d’entretenir une continuité́, de rétablir un lien entre l’avant et l’après, de créer un pont par-dessus le fossé que peuvent creuser ces cataclysmes.

Et bien évidemment l’école, à tous ses niveaux, occupe une place prépondérante dans l’accomplissement du devoir de mémoire.

Et, oui, c’est bien là l’enjeu, cultiver la mémoire c’est se souvenir que cette nuit-là 130 vies ont été sauvagement ôtées à leur famille, et deux autres victimes se sont suicidées en 2017 et en 2022, ce sont près de 3.000 personnes qui ont subi un traumatisme qui les marquera à jamais au nom d’une religion dévoyée par les auteurs de ces attentats.

Ici à Bagnolet, à l’école élémentaire Jean Jaurès, les élèves apprendront qui était David Perchirin, ce qu’est une victime du terrorisme, ce que signifie la mot terrorisme, cette volonté d’imposer une opinion, une religion, un mode de vie en faisant régner la terreur.

Les professeurs des écoles s’y emploieront sans aucun doute et tout particulièrement à l’occasion de la commémoration des attentats, le 13 novembre de chaque année et à l’occasion de la journée nationale de commémoration des victimes du terrorisme le 11 mars.

C’est le devoir de savoir qui doit contribuer à combattre, à prévenir les tentations de radicalisation, ce mal qui s’installe dans trop de jeunes esprits.

Au nom de l’association 13ONZE15 FRATERENITE ET VERITE, au nom de ses adhérents et au nom de toutes les victimes des attentats du 13 novembre 2015, je dis notre reconnaissance à la ville de Bagnolet pour cette initiative et ce geste à la mémoire de David Perchirin assassiné au Bataclan le 13 novembre 2015.

Ce geste qui inscrit une marque indélébile pour toutes les générations d’élèves qui vont se succéder dans les décennies à venir. Pour dire à tous ces jeunes qu’ils doivent comprendre que le vivre ensemble nécessite des efforts quotidiens. »

Discours du maire de Bagnolet, Tony Di Martino
« Il y a 7 ans, vendredi 13 novembre, ce jour que jamais nous n’oublierons par l’horreur qu’il porte en lui, la France a été attaquée par le terrorisme islamiste, organisé de loin et froidement mis en œuvre. 130 vies furent arrachées dans l’atrocité terroriste à leurs proches. 130 destins furent fauchés au nom d’une cause folle et d’un dieu trahi.
Cette terrible et sombre nuit s’inscrit désormais dans l’Histoire de France parce que c’est un mode de vie, une culture, qui étaient la cible des terroristes. Elle constituera, pour l’éternité, une balafre indélébile dans notre histoire commune.
Ce soir-là, à Saint-Denis, aux abords du Stade de France, au Petit Cambodge et au Carillon dans le 10e arrondissement de Paris, au Café Bonne Bière, à la Casa Nostra, à La Belle Equipe, au Comptoir Voltaire et au Bataclan dans le 11e arrondissement parisien, le bruit de la fête laissa la place, d’abord, au bruit des balles, puis à l’assourdissant silence de mort.
Cette nuit-là, nombreux sont les destins individuels à avoir été plongés dans les terribles abysses de la nuit. Parmi ceux-ci, nous sommes aujourd’hui réunis en ce jour particulier pour nous souvenir de l’un d’entre eux.
Il s’appelait David PERCHIRIN, il était au seuil de son quarante-deuxième anniversaire lorsqu’il fut assassiné au Bataclan. Originaire du Finistère, où il fit sa scolarité jusqu’au BAC, il intègrera ensuite l’Institut d’Etudes Politiques de Rennes.
C’est sur les bancs de l’IEP de Rennes qu’il rencontrera Cédric, qui fut y fut son colocataire dans le quartier Sud-Gare, et avec qui il partageait une passion du rock’n’roll. Celle qui les amena à cette soirée du 13 novembre 2015 au Bataclan, où ils périrent. A Science Po Rennes, ils marquèrent leurs camarades par leur joie de vivre et leur passion des autres. Après le 13 novembre 2015, l’association des anciens étudiants de Sciences Po Rennes leur rendait ainsi hommage, je la cite : «[Ils] étaient des figures majeures de la vie étudiante à Sciences Po au début des années 1990. Bons vivants, débordants d’énergie, enthousiastes indéfectibles, le ciment de leur amitié a toujours été leur passion du rock’n’roll.»
Après ses études, il arriva à Paris où il vous rencontra Madame. Vous aurez ensemble deux enfants.
Je tiens ici à les saluer chaleureusement et les remercier pour leur présence à nos côtés en cette journée si particulière, ainsi que les parents de David PERCHIRIN.
A tous les cinq, nous vous disons notre infinie respect et notre affectueux soutien.
Ses deux enfants étaient toute la vie de David PERCHIRIN.
Journaliste, il fit le choix de préparer le concours afin de devenir instituteur.
Toutes les personnes qui l’ont connu et qui témoignent sont unanimes. Il était passionné de sociologie et de sciences politiques. Epris de liberté, il était d’une agilité intellectuelle peu commune et d’une curiosité sans fins envers les autres. Il savait transmettre, les gens se sentaient grandir à ses côtés.
Jeune instituteur, il fut affecté à Bagnolet et enseignait ainsi à deux classes de CM2 des écoles Jean Jaurès et Jules Verne.
Il avait choisi un métier qui avait un sens particulier pour lui, dans un territoire où la transmission et l’éducation, au sens premier du terme, trouve une signification toute particulière.
Profondément engagé, indépendant, exigeant, il était un « libre penseur ».
Il voulait, avec ses élèves, partager sa passion de l’autre.
Il était passionné de vélos, mais loin d’en faire un unique moyen de déplacement, il récupérait de vieilles bicyclettes qu’il retapait pour les offrir, ensuite, à des amis. Une amie avec qui il prépara le concours d’instituteur nous raconte, je la cite là aussi : « On a bien arrosé notre réussite au concours […]. J’étais contente de voir un mec brillant comme
lui rejoindre les bancs de l’éducation nationale. Je me rappelle qu’il avait mis son vélo dans sa classe pour en expliquer le mécanisme à ses élèves. Les enfants du 93 ont tant besoin de gens comme lui … ».
Aujourd’hui, en ce jour porteur d’un sens si fort, nous nous retrouvons pour nous souvenir de l’homme que fut David PERCHIRIN. Nous nous retrouvons pour que jamais l’oubli ne s’empare de notre société.
Aucun mot de pourra panser les plaies qui se sont ouvertes ce 13 novembre 2015.
Faisons cependant en sorte que, chaque jour, vive le souvenir de David PERCHIRIN.
Le 13 novembre 2018, Philippe DUPERRON, Président de l’Association 13 ONZE 15, empruntait les mots de François MITTERRAND pour nous dire que « penser aux morts c’est assurer la survie des gens qu’on a aimés en attendant que les autres le fassent pour vous. C’est un devoir de mémoire. » Il nous rappelait aussi, je le cite que « les victimes vivent une double peine lorsque leurs souffrances s’effacent du souvenir commun ».
Prenons date ensemble pour que jamais le souvenir de David PERCHIRIN, de l’homme qu’il fut, de ses engagements, ne s’efface du souvenir commun.
Vive la République ! Vive la France ! »
Une vibrante allocution d’Alexis Corbière député de la Seine Saint-Denis, (dont malheureusement nous n’avons pas le verbatim) a suivi, puis la cérémonie s’est achevée avec la diffusion de la chanson Des Enfantastiques « Des larmes sur la Joue de Marianne« .

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