Depuis plusieurs mois, un mouvement de résistance citoyenne se développe face aux coupes budgétaires qui menacent l’existence même du Théâtre de l’Echangeur. Les AG se multiplient, rassemblant professionnel.les du théâtre et spectateur.rices, avec le soutien des élu.es de Bagnolet, toutes tendances confondues. Nos réflexions et lien vers un article de 93.citoyens.com
Au dernier Conseil municipal (16 octobre), les élu.es du groupe Ecolos solidaires, citoyen.nes et radicaux ont voté en faveur d’une subvention exceptionnelle qui montre un engagement marqué de la ville auprès du Théâtre de l’Echangeur et de la compagnie Public Chéri. C’est un signe clair envoyé aux autres institutions afin qu’elles conservent leurs engagements auprès de ce théâtre.
Ce théâtre, c’est un bel outil, non seulement parce qu’il est un lieu de rencontre avec le public, mais aussi parce que c’est un lieu de création prisé par les compagnies de théâtre, musique, danse.
Les attaques contre le secteur de la culture sont récurrentes, et la tendance met cap au pire car elle s’attaque à un modèle de société où la culture offre encore un espace commun exceptionnel et démocratique.
Allez au Théâtre de l’Échangeur, et écoutez comment Jon Fosse défend qu’en réalisant la rencontre de l’unique et de l’universel, l’art contribue à la paix.
C’est tout un modèle de société qu’il nous faudra désormais défendre ensemble. Ce qui ne signifie pas le statu quo, bien sûr.
Prendre la mesure de la situation
Ce qui se passe en ce moment n’est pas juste un mauvais passage pour le Théâtre de l’Echangeur. Cela s’inscrit dans un mouvement de fond de retrait de la puissance publique du secteur de la culture dont Rachida Dati n’est que l’écume visible. On l’a vu, il y a plus d’un an, avec la baisse drastique de 70% du budget culturel des Pays de la Loire.
En fait, la vague vient de plus loin, de l’autre côté de l’Atlantique, aux Etats-Unis où s’organise un sabordage général de la culture. Ça ne touche pas seulement le théâtre contemporain, cet espace de liberté de la conscience et de l’inconscient, de recherche de ce qui relie l’humanité au delà des conventions sociales. Les dominants n’ont rien à faire de la vie de l’humanité ! Ils veulent juste garder tous les pouvoirs politiques et économiques et gagner de l’argent. La musique classique ne les intéresse pas davantage que le théâtre contemporain. Ils ne savent pas se placer dans l’écoute de ce qui s’y dévoile.
Et au delà, de la culture, c’est une attaque générale contre la recherche scientifique, l’éducation, l’écologie, le féminisme, la diversité, les associations, etc, etc. Notre riposte et notre résistance doivent être à la mesure de l’attaque. La bataille pour le théâtre de l’Echangeur n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend dans tous les secteurs de la vie culturelle et sociale.
Bref, pour le théâtre, pour l’art, pour la culture, pour la société même, résistons. Serrons-nous les coudes pour affirmer haut et fort que c’est un espace commun à la fois nécessaire et exceptionnel, qu’il faut absolument qu’il reste démocratique, accessible, et qu’il faut toujours et toujours renforcer, travailler à cette accessibilité.
De l’intérêt général d’un lieu particulier
Le Théâtre de l’Echangeur est un lieu particulier qui permet la création contemporaine avec le passage de nombreuses troupes qui y trouvent un outil de travail, un lieu et du temps pour y travailler. C’est un lieu particulier où, avec peu de subventions publiques, l’équation est tout de même possible.
S’il fallait employer le vocabulaire des gestionnaires, c’est une solution très efficace concernant le ratio créations qualitatives / argent public reçu. Le Théâtre de l’Echangeur joue un rôle particulier dans l’écosystème culturel.
Je suis en train de vous dire l’intérêt général du Théâtre de l’Echangeur. En plus, il est à Bagnolet ! C’est évidemment une chance, pour la proximité, l’accessibilité de toutes et tous, quels que soient leurs obstacles sociaux, culturels ou économiques. Le Théâtre réalise un travail de maillage avec les conservatoires, les collèges, etc.
En tant qu’élue, je suis en faveur d’une politique communale qui donne une place à la culture, qui favorise le maillage avec les centres de quartier, qui communique sur les initiatives locales, qui réaffirme enfin que le vivre ensemble passe aussi par ces temps suspendus d’ouverture à ce qui se crée.
Quelle relation entre le théâtre et la ville?
Au delà de l’urgence budgétaire, il faut penser sur le long terme la relation entre le théâtre de l’Echangeur et la ville de Bagnolet. Le logo jaune, L’ECHANGEUR THEATRE BAGNOLET, ouvre la piste d’une intégration possible du théâtre à la ville. En théorie, pourquoi pas? Mais en pratique, au vu de la désorganisation actuelle des services municipaux et de l’arbitraire qu’y fait régner le Maire de Bagnolet, n’y a-t-il pas le risque de tomber de Charybde en Scylla ? Le collectif des Amis de l’Echangeur pourrait certainement jouer un rôle positif pour éviter les dérives, encore faudrait-il que ce rôle soit reconnu et institutionnalisé…
Le 8 octobre, une réunion publique organisée par la municipalité a présenté « l’étude urbaine Gallieni-République-Fraternité ». Même s’il ne s’agit pas encore, à proprement parler, d’un projet, certains éléments posent question. Ainsi est évoquée une démolition-reconstruction du théâtre. Pourtant les locaux ne sont pas vétustes, ils ont même été refaits ces dernières années …avec des subventions publiques. Et il y en a assez dans cette ville de la politique de la table rase! Il faut valoriser notre patrimoine contemporain. Le théâtre de l’Echangeur, ses activités comme ses bâtiments, fait partie du patrimoine de notre ville et doit être défendu globalement en tant que tel.
Vers un théâtre Eiffage?
L’étude urbaine inscrit le théâtre dans une opération immobilière qui le réduirait à la portion congrue. Les illustrations présentées à la réunion (voir ci-dessous) sont éclairantes à cet égard. Nous ne sommes pas opposés par principe à tout projet immobilier. Mais la survie du théâtre ne doit pas être le prétexte pour bétonner davantage encore notre ville. L’immobilier semble la recette miracle d’une ville surendettée qui a perdu toute capacité d’investissement. A chaque besoin de la ville et de sa population, la réponse apportée est un projet immobilier. Rénover le centre municipal de santé? La réponse du Maire est un projet immobilier (et la démolition-reconstruction). Construire un gymnase une salle de sports rue Jules Ferry? Un autre projet immobilier…
Toutes ces questions méritent des débats approfondis et une transparence totale sur les projets. Les citoyen.nes mobilisé.es dans la défense du théâtre doivent s’en emparer aussi.
AUJOURD’HUI le théâtre de l’Echangeur occupe avec d’autres activités culturelles le grand périmètre délimité en rouge
DEMAIN? Le théâtre de l’Echangeur partagerait une halle (carreaux rouges et blancs) avec d’autres lieux (Sample, Maison des associations) sur un espace réduit. 
Télécharger l’étude urbaine Gallieni-République-Fraternité présentée en réunion publique le 8 octobre
Depuis l’annonce d’une nouvelle coupe de son financement par le ministère de la culture, le théâtre de l’Échangeur est en sursis. Créé à Bagnolet, il était devenu un laboratoire de création des arts du spectacle à l’échelle de l’Ile-de-France, tout en contribuant à la vie culturelle de la ville. Contexte avec Régis Hébette, fondateur du lieu et de la compagnie Public Chéri.
“262 jours avant la fermeture“, interpellait la dernière assemblée du collectif des Amis de L’Échangeur, qui s’est tenue le 15 octobre. La 6ème depuis le 16 juin et le lancement de la mobilisation mêlant compagnies, artistes, habitants et élus, pour convaincre le ministère de la culture de revenir sur sa décision de réduire de 60 000 euros sa subvention annuelle. “J’ai appris la nouvelle de la Drac (Ndlr : direction régionale des affaires culturelles, représentation du ministère de la Culture à l’échelon régional), officieusement, en avril dernier. C’est devenu officiel à la mi-mai. Dans ces conditions, on doit être réaliste : on ne pourra pas tenir au-delà de juin prochain“, résume Régis Hébette, le fondateur de la compagnie Public Chéri et du théâtre de l’Échangeur.


