Le plan guide pour l’aménagement de la porte de Bagnolet a été examiné au conseil de territoire d’Est Ensemble le 28 novembre. Anne de Rugy a fait part de trois points d’alertes et d’inquiétudes du groupe Ecologie et citoyenneté qui s’est abstenu. Toutes les explications ci-dessous.
« Je voudrais intervenir au nom du groupe Ecologie & Citoyenneté sur l’aménagement de la Porte de Bagnolet, sur la délibération et le Plan guide qui viennent d’être présentés.
Effectivement, cet aménagement est important, nécessaire, urgent, très attendu. On le sait, c’est un lieu qui cumule les nuisances : des seuils de pollution plusieurs fois supérieurs à ceux recommandés par l’OMS, des seuils de bruits trop élevés, un lieu de rupture urbaine, un lieu où toutes les mobilités douces (marche, vélo) sont méprisées. Cet échangeur autoroutier crée une discontinuité majeure entre Paris et la banlieue auquel j’ajouterais aussi beaucoup de dysfonctionnements : une zone commerciale sous-occupée, une minéralisation à outrance, une zone dégradée avec beaucoup de délaissés urbains inutilisés, rues, espaces, abords d’immeubles et bâtiments voire jardins improbables et inaccessibles. La Porte de Bagnolet et le pôle Gallieni sont aujourd’hui malheureusement ce que l’on pourrait appeler un « commun négatif ».
A ce projet de réfection ambitieux, nous disons donc oui, c’est urgent, il faut réparer, panser les plaies, humaniser, reconquérir, créer des ponts, relier les villes et les quartiers. Aussi, nous partageons les objectifs qui sont mentionnés dans le Plan guide et la délibération, à savoir la réduction drastique de la pollution atmosphérique et des nuisances sonores, l’humanisation de la zone, l’objectif d’en faire un lieu de vie et non pas seulement un lieu de transit, la renaturation et la reconquête de la pleine terre, la priorité donnée aux mobilités non-polluantes et la volonté de retrouver des continuités au sol et visuelles.
Nous nous félicitons aussi que dès aujourd’hui soit programmée une reconquête progressive de certains espaces que nous appelions de nos vœux. Je pense en particulier à la suppression progressive des nombreuses voies d’accès aux parkings du centre commercial qui sont autant de bretelles d’autoroute sous-utilisées ou au réaménagement des rues attenantes, la rue Jean Jaurès et la rue des Champeaux à Bagnolet. Nous avons besoin de nous réapproprier l’urbain, notamment ces rues qui sont aujourd’hui totalement délaissées autour du pôle Gallieni.
Ici, chaque mètre carré conquis sur le béton compte !
Nous avons néanmoins trois points d’alerte et d’inquiétude sur ce plan guide du futur aménagement.
Le premier, c’est la question de la nécessaire réduction du trafic autoroutier. En effet, comme mentionné dans la délibération, l’Etat n’a pas autorisé à réduire le trafic sur l’A3 et le boulevard périphérique. En conséquence, l’enfouissement maximal est apparu comme l’unique solution envisageable, c’est mentionné ainsi à plusieurs reprises. Cette absence d’autorisation empêche le Plan Guide d’avoir des objectifs clairs et quantifiés pour réduire la circulation automobile. Cette décision constitue une contradiction avec nos précédents votes, avec le Plan de Mobilités, avec le PCAET et le souhait des villes ; à savoir la réduction drastique de la vitesse sur le périphérique, le souhait de transformer les autoroutes en boulevards urbains, l’aspiration à réduire le nombre de voies. Cet objectif de réduction du trafic automobile doit clairement figurer dans le Plan Guide. Doit y figurer également, concernant l’étude sanitaire à venir, l’accent sur les sorties et entrées du tunnel. En effet, nous pouvons toujours enfouir sous terre la pollution, elle finira par ressortir. Il y a un vrai risque de point d’accentuation de la pollution aux niveaux des entrées et des sorties de ce tunnel. C’est un point essentiel de la future étude. C’est aussi pour cette raison que nous aurions souhaité voir maintenue la possibilité de plusieurs scénarios qu’il est absolument nécessaire de mettre à l’étude tant le scénario de l’enfouissement maximal est incertain techniquement, écologiquement et financièrement.
Deuxième point, nous aurions aimé, puisque nous voulons un projet écologiquement exemplaire, que figure dans le Plan Guide la mesure de l’impact écologique des aménagements prévus en termes d’émissions de gaz à effet de serre, de prélèvement de ressources, de pollutions. En effet, tout aménagement à un coût écologique qu’il s’agisse de l’enfouissement bien sûr (on connaît l’impact écologique du béton) mais aussi des opérations de destruction et de reconstruction programmées, opérations également très émettrices de carbone. En ce sens le réemploi mentionné dans le plan guide est une bonne chose mais la transformation inventive d’une partie des bâtiments existants est aussi un défi possible. Disposer de ces mesures n’impose pas une décision finale mais doit éclairer notre décision politique. Voilà une démarche exemplaire qui marquerait le changement radical de paradigme !
Enfin, troisième point, la question du foncier. Il a été prononcé tout à l’heure l’expression de « foncier libre ». L’expression du Plan Guide est sans doute plus exacte et plus inquiétante puisqu’il est mentionné 1,5 ha de « foncier valorisable ». Sur ce point, nous avons une crainte concernant la possibilité d’une densification et d’une privatisation du foncier comme cela s’est passé sur l’aménagement de la porte de Montreuil.
Vous l’aurez compris, nous voulons un vrai changement de paradigme !
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur cette délibération. »