De la rue aux urnes

A deux semaines des élections européennes, le samedi 25 mai a été marqué par plusieurs manifestations importantes, un vrai jour de printemps, à la fois écologique et social ! Malgré les multiples répressions de ces dernières années, des gilets jaunes à Sainte Soline, en passant par la réforme des retraites, une contestation populaire de fond est toujours bien vivante. Comment stopper ce mouvement se demandent Macron et ses amis? Comment pouvons-nous le prolonger dans les urnes et après, nous demandons nous?

La mobilisation contre la réforme des collèges s’inscrit dans la durée. Trois mois après le début de l’action pour un plan pour l’éducation dans le 93, le mouvement qui a démarré en Seine Saint-Denis, notamment avec les enseignants et les parents du collège Travail à Bagnolet, ne cesse de s’étendre : 15 000 personnes ont manifesté à Paris et des milliers en province ce samedi 25 mai! Cette journée est une étape dans la construction d’un vaste mouvement de solidarité de notre pays avec son école publique, a déclaré le secrétaire général de la FSU Benoît Teste.

L’arrivée du cortège, place de la Bastille, rassemblant syndicats enseignants, associations de parents, et lycéens.

Logistique en panique

A quelques kilomètres de là, à Gennevilliers, au même moment, deux mille personnes répondaient à l’appel des Soulèvements de la Terre contre le projet Green Dock, un méga entrepôt logistique en bord de Seine, en face d’une zone Natura 2000. C’était le point d’orgue de tout un week-end de rencontres et d’actions: voir ici le programme de « logistique en panique ». Associations écologistes et syndicats, notamment la CGT 92 et la CGT 93, étaient au coude à coude. Le prétexte de l’emploi pour justifier le saccage écologique ne tient plus. Vive la lutte sociale et écologiste !

Dans les rues de Gennevilliers

Pas d’impunité pour la multinationale Total

La revendication écologiste s’est exprimée aussi dans le quartier de la Défense à Paris avec des centaines de jeunes de multiples organisations, qui se sont mobilisé.e.s à l’occasion de l’assemblée générale de TotalEnergies, pour empêcher la tenue de l’AG d’Amundi, premier financeur de la multinationale. La répression policière a été disproportionnée envers ces manifestant.e.s non violent.e.s : plusieurs centaines de personnes ont été nassées pendant huit heures! Il y a eu 201 arrestations – un volume exceptionnel autour d’une AG -,  mais une seule enquête préliminaire été ouverte pour une personne! Autant dire qu’il n’y a avait pas matière à  poursuite.

Kanaky: il est fini le temps des colonies!

À l’appel du Comité Solidarité Kanaky, une manifestation a rassemblé des centaines de personnes à Paris, toujours ce même 25 mai. Un soutien à la cause indépendantiste et un rejet du gouvernement. « Il est fini le temps des colonies, indépendance de la Kanaky » : dans une ambiance grave et festive à la fois, des centaines de personnes, ont défilé entre les places de la République et de la Nation. « Quand on veut apaiser la situation, quand on veut respecter les gens, on n’envoie pas Gérald Darmanin ! » lance la dirigeante des Ecologistes, Marine Tondelier.  « On ne résout pas les problèmes politiques par des mesures sécuritaires », ajoute-t-elle, avant de conclure par ces mots : « Ne baissez pas les bras ! Vive la Kanaky ! »

Macron joue la carte Le Pen

Cette forte journée sociale et écologique montre que l’air du temps n’est toujours pas à la résignation, mais plutôt au réveil citoyen.  Outre la répression et les violences policières dans la rue, le pouvoir macroniste joue et rejoue la carte du rassemblement national dans les médias et dans les institutions. Le débat Attal-Bardella ne vous a pas suffit?  Rebelote avec l’annonce d’un débat Macron-Le Pen. En ignorant et en diabolisant LFI et les Ecologistes d’un côté, et en donnant un vernis de respectabilité à l’extrême-droite, de l’autre, la Macronie sert de marchepied et porte une responsabilité historique écrasante dans l’accession annoncée de la droite extrémiste et raciste au pouvoir.

Le candidat du renoncement

C’est peut-être un détail pour vous mais vous êtes vous demandé.e pourquoi Raphaël Glucksmann, le candidat Place publique PS, apparaissait lors de ses premières sorties de campagne avec un porte-voix ? Un choix au premier abord déconcertant pour un politicien plus habitué des salons dorés que des actions de rue… C’est qu’il a senti lui aussi que le vent du changement continuait à souffler dans le pays. Malheureusement au-delà de l’affichage, urgence écologique, urgence sociale, etc., son programme sonne creux, il ne comporte aucune mesure de nature à changer la donne. Pire, quand on l’interroge sur des points concrets, c’est la cata! Clémence Guetté l’a bien montré sur le social (lire ici). Mais c’est vrai aussi pour l’écologie. Quand on demande à Raphaël Glucksmann, si la PAC doit financer le modèle des mégabassines, il répond « pour moi, on ne peut pas dire qu’on est contre les mégabassines en général, ça dépend des situations locales. La politique de l’eau à avoir passe par l’irrigation, on ne mettra pas fin à l’ensemble des retenues d’eau« . Et sa liste comprend des fervents soutiens à l’autoroute Castres-Toulouse, de la tour Triangle à Paris ou encore à la piste de ski en plastique (vert) dans les Pyrénées. Bref, c’est le grand retour de la gauche béton.

Enfin, après nous avoir expliqué qu’il ne fallait surtout pas d’union de la gauche et des écologistes aux européennes, car chacun pouvait exprimer sa sensibilité (à condition toutefois d’obtenir 5 %), que les gauches étaient irréconciliables, voici maintenant que face à l’inquiétude suscitée par le score annoncé de l’extrême-droite, est invoqué une sorte de vote utile! Une gauche ramasse-tout et sans contenu, c’est en réalité le meilleur cadeau à faire à l’extrême-droite.

La gauche écologiste avec Marie Toussaint

Il peut y avoir une bonne surprise du côté de Marie Toussaint, même si les sondages ne lui sont pas favorables. Aux élections européennes de 2019, alors que la liste avoisinait les 5 % dans certains sondages (7 % ou 8 % dans d’autres), Europe Écologie Les Verts crée la surprise en remportant 13,5 % des suffrages exprimés. C’est le même cas de figure qu’aujourd’hui. Certains commentateurs théorisent un recul des préoccupations écologiques dans l’opinion, il n’en est rien! Les manifestations du week-end le montrent bien. Plus étonnant, selon un sondage réalisé au sortir du mouvement des agriculteurs, 62% des agriculteurs estimaient que la transition écologique est une nécessité. 23% considèraient même qu’il s’agit d’une opportunité : le refus de la transition était largement minoritaire auprès des agriculteurs (15%)

Marie Toussaint a des atouts. D’abord, elle a une vraie fibre sociale, elle  incarne une écologie plus populaire, plus accessible à tous.tes. Ensuite elle est très solide sur le fond: elle est à l’origine de Notre affaire à tous, un mouvement qui bousculé les lignes, il y a quelques années. Elle a été une députée européenne particulièrement investie tout au long du mandat. Elle ne fait pas dans le simplisme et les formules toutes faites, la complexité ne lui fait pas peur. A bien des égards, elle est le genre de femme politique dont nous avons besoin aujourd’hui.

Mais il y a les faiblesses collectives des Ecologistes. D’abord, il s’agit d’un groupe peu nombreux, même s’il y a plus d’élu.e.s qu’auparavant. Les Ecologistes ont fait de bons scores, par exemple les 16,3% des européennes de 2009, quand les médias les encensaient. Là, le vent médiatique est contraire. Et aussi la faiblesse stratégique qui les a conduit à vouloir faire cavalier seul alors que LFI leur proposait de conduire une liste NUPES…

Enfin leur message sur l’Europe ne semble pas audible. Le nom d’Europe Ecologie les Verts a été abandonné mais la campagne des Ecologistes est particulièrement pro-européenne, comprenne qui pourra! Est-ce vraiment le bon moment pour lancer le débat sur le fédéralisme? Le risque est de tomber dans le piège du débat pour ou contre l’Europe, plus ou moins d’Europe, alors qu’il s’agit de choisir des politiques européennes.

La gauche écologiste avec Manon Aubry

Il peut y avoir une bonne surprise du côté de Manon Aubry qui est d’ores et déjà partie pour faire mieux que le score précédent de LFI aux européennes (6,31%).

Manon Aubry a un parcours assez comparable à celui de Marie Toussaint. Elle fait partie de cette nouvelle (re)génération politique, passée d’un engagement altermondialiste avec l’ONG OXFAM à la politique au niveau européen. Elle présente un bilan significatif pour son mandat de députée européenne. A l’image de son travail sérieux au parlement européen, elle présente un programme qui contient 485 mesures, réparties en 9 chapitres thématiques. “Nous allons au  pour mener des combats concrets”, prévient Manon Aubry.

Exemple sur l’eau, sa mesure-clé consiste à faire du droit à l’eau un droit fondamental en Europe et instaurer la gratuité de l’accès aux mètres cubes vitaux, à des fontaines et à des bains-douches. Et contrairement à d’autres, elle demande la suspension de la création des mégabassines! (Lire ici -chapitre 4- les mesures sur l’eau)

Dans les difficultés à surmonter pour ce vote, il y a toutefois les polémiques autour de Jean-Luc Mélenchon. Le clivage qui a été l’atout et la marque de fabrique de LFI peut se transformer en obstacle. Pourtant il ne s’agit pas d’élire Jean-Luc Mélenchon mais bien Manon Aubry, une femme politique d’aujourd’hui. Dans la situation actuelle, pas seulement en France, il faut réfléchir aux dangers de la polarisation à outrance.

Le volontarisme pour l’union de LFI qui a été unitaire pour quatre avec la NUPES, ne semble pas payé de retour. La débâcle finale de la gauche qui est aussi une condition politique pour l’accession au pouvoir de l’extrême-droite, est au bout du chemin. Mais le pire n’est jamais certain, dit-on.

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