Une majorité contre la création d’une police municipale

Le conseil municipal du 6 juillet a rejeté la création d’une police municipale à la majorité absolue : 20 voix contre sur les 39 membres du conseil. Les groupes de la majorité, Bagnolet en commun et Ecolos solidaires, ainsi que l’opposition, se sont prononcés contre cette mesure. Lire ci-dessous l’intervention de Jean-Claude Oliva.

Dans la situation actuelle, après la mort de Nahel à Nanterre et les violences urbaines qui ont suivi et qui appellent réflexions et débats de fond (abordés par le Maire avant le conseil municipal et que nous aborderons aussi avec le vœu qui sera présenté toute à l’heure), je crains que cette délibération ajoute à la confusion ambiante.

Il y a d’abord une contradiction entre la façon dont cette délibération  est présentée, de façon technique, minimaliste, comme quelque chose de bon sens et de quasiment obligatoire et l’affirmation politique de la nécessité de créer une police municipale portée de-ci de-là, dans le journal municipal ou dans les conseils de quartier.

Sur le premier point, il y a, semble-t-il, eu pendant longtemps à Bagnolet des policiers municipaux assermentés sans que, pour autant, une police municipale ne soit créée. Je ne vois pas ce qui empêcherait aujourd’hui que l’agent soit assermenté. Si besoin, nous pouvons collectivement soutenir la demande du Maire pour que l’agent soit assermenté par le Préfet, sans condition de création d’une police municipale.

Dans le Bajomag de juin, le Maire fait de la police municipale la  réponse politique aux difficultés des Bagnoletais.e.s.

C’est le second point en réalité qui est le plus problématique, c’est-à-dire la présentation d’une police municipale comme la réponse politique aux problèmes rencontrés par la population.

Il est entendu que vivre en sécurité fait partie des droits de tout un chacun. Mais quand je vois la liste qui nous est faite, je ne pense pas que les actions envisagées soient à la portée d’un ou de quelques policiers municipaux. Elles impliquent en réalité la création de tout un service, avec un certain nombre de moyens (véhicules) ce qui n’est tout simplement pas possible dans la situation financière de notre ville. Dans les conseils de quartier, j’entends des critiques récurrentes contre les ASVP qui ne seraient pas assez présents et nombreux sur le terrain. Par quel miracle en irait-il autrement d’une police municipale ?

Dans le même sens, le conseil municipal vient de voter une délégation de service public pour le stationnement en centre ville, faute d’être en capacité de le faire avec les ASVP.

Au-delà de la question des moyens qui est rédhibitoire en bonne gestion, ce qui pose problème, c’est qu’on apporte à chaque fois une réponse politique, illusoire dans les faits, en terme de sécurité, à des problèmes sociaux bien plus vastes et complexes. C’est une pente glissante pour la gauche. Si tu laboures le terrain du voisin, tu n’en obtiendras pas pour autant la récolte (proverbe sicilien). Aujourd’hui on discute de la création d’une police municipale. Logiquement viendra ensuite la question de son armement, car on nous dira : comment voulez-vous qu’elle remplisse sa mission, si les agents ne sont pas armés? Mais où va-t-on ainsi ? Prenons la mesure du contexte dans lequel nous vivons. Dans ce pays, depuis des années, on n’entend plus parler que de sécurité ou d’immigration. Les lois sécuritaires s’empilent, toujours plus répressives et liberticides. Je ne pense pas que nous devions inscrire l’action de notre municipalité dans cette tendance dangereuse.

Vous me direz, vous exagérez, toutes les villes voisines, ou presque, le font, pourquoi pas nous ? Mais où sont les résultats ? Il n’y a pas eu d’amélioration de la situation sécuritaire (et bien sûr encore moins du climat social général) avec une police municipale. C’est un peu comme la question de la vidéosurveillance, tout le monde le fait, pour montrer qu’il fait quelque chose, mais la vidéosurveillance n’empêche pas les actes de délinquance, les études le montrent.

Si nous avons des moyens humains à consacrer, consacrons-les à des services de nature à résoudre les problèmes posés. Un seul exemple, les chiens dangereux, un réel problème bien sûr, notamment au parc Josette et Maurice Audin. D’abord il est illusoire de penser qu’un policier municipal, même assermenté, va pouvoir, tout seul, en venir à bout. Il faudrait plutôt des maîtres-chiens pour intervenir dans ce genre de situation. Cela pose plutôt la question de la fermeture du parc la nuit et de son gardiennage. Pas besoin d’un policier municipal, mais d’un ou plusieurs gardiens.

Enfin il faut faire la part entre ce qui relève de la (petite) délinquance et ce qui relève des incivilités. La lutte contre la délinquance doit faire partie des missions de la police nationale. C’est une question incontournable. Les missions de proximité et de protection des personnes ont été abandonnées, nos concitoyen.ne.s ne cessent de le dire. En France, la police protège l’Etat, pas les citoyen.ne.s, a-t-on pu lire ces jours-ci dans la presse étrangère. Et pour les incivilités qui insupportent la population, il y a d’autres moyens de les combattre, à l’exemple de la médiation sociale développée à Montreuil et dans bien d’autres villes.

Toutes ces raisons conduisent notre groupe à voter contre la délibération proposée.

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