Ukraine-Israël ou le triomphe du double standard

L’indignation du Professeur Mohamed Larbi Bouguerra sur le deux poids, deux mesures dans le domaine du droit international. 

Israël a toutes les audaces et n’a pas froid aux yeux.

Le voilà qui critique l’invasion de l’Ukraine par la Russie du 24 février 2022.

Or, Israël a plus d’une fois agi exactement comme la Russie de Poutine. N’occupe-t-il pas de façon sauvage, violente, illégale et inhumaine la Cisjordanie depuis un demi-siècle ? Combien de fois l’Etat sioniste a-t-il envahi Gaza ou le Liban ? Bombardé Damas et Beyrouth ? Occupé les fermes de Chebaa en territoire libanais ?

Tout comme Moscou aujourd’hui, Israël nie les droits nationaux du peuple palestinien occupé, sous la botte de la soldatesque israélienne. La loi du plus fort et la protection de Washington ! L’armée sioniste n’hésite pas à exécuter de sang froid femmes, enfants, vieillards, handicapés en fauteuil roulant et blessés à terre faisant de l’assassin Elor Azaria -qui a achevé Abdelfattah Chérif blessé et sans arme, le 24 mars 2016- un héros national israélien.

Pour Moscou, les Ukrainiens ne sont pas un peuple et sont qualifiés de nazis tout comme les Palestiniens qui sont des terroristes pour Israël et auxquels on vole terre, eau et patrimoine. Israël affirme avoir un droit sur cette terre de Palestine en vertu de la Bible. Il a le droit de revenir sur cette terre de Cisjordanie deux mille ans plus tard ; et Kiev – la capitale actuelle de l’Ukraine- a été la capitale de la Russie il y a des lustres. Droit ancestral disent en cœur les propagandistes des deux bords! Les mensonges sont les mêmes ainsi que la propagande et l’agit-prop.

Jacques Attali rappelle que le prophète Isaïe demande qu’on laisse de la place à d’autres peuples par une formule si moderne : « Malheur à vous qui annexez maison après maison, qui ajoutez champ après champ sans laisser un coin de libre et prétendez vous implanter seuls dans le pays. » (Isaïe 5, 8-9 in Jacques Attali, « Dictionnaire amoureux du judaïsme », Plon-Fayard édit, Paris, 2009, p. 246)


DROIT INTERNATIONAL :

Le côté comique – si on peut dire- dans ces évènements tragiques est fourni par M. Yair Lapid, ministre des Affaires Etrangères d’Israël qui ose éructer : « L’attaque russe contre l’Ukraine est une grave violation de l’ordre international. » Il ose proférer ces paroles alors que Le Monde Diplomatique (5 février 2009) ne recense pas moins de 36 résolutions de l’ONU qu’Israël foule aux pieds depuis des années, en toute impunité. Rappelons seulement une seule de ces résolutions : « Le Conseil de Sécurité exige l’arrêt des « pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 », déclare que ces pratiques « n’ont aucune validité en droit » et demande à Israël de respecter la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. » (Résolution 446 du 22 mars 1979)

Lapid n’a aucune pudeur, pas la moindre honte à proférer de telles paroles. Politicien sans conscience ou cynisme et hypocrisie ? Certitude que Washington est là pour assurer les arrières en qualité de porte-avion fiché au cœur de la Nation Arabe et de tout le Moyen-Orient ? Triomphe du double standard qui ne s’applique pas à la Nation Elue ?

Quoi qu’il en soit, l’ordre international selon Israël est très malléable, élastique et flexible. Une invasion russe de l’Ukraine est évidemment une violation de l’ordre international. En revanche, l’invasion et l’occupation du Liban par Israël il y a 18 ans est l’ordre international dans toute sa splendeur. L’ordre international, ce sont les invasions fréquentes de Gaza, sans parler de l’ordre international évident dans lequel Israël contrôle un autre peuple et détient par la force des territoires occupés pendant des décennies, contrairement à la position de toutes les institutions internationales, en fait, du monde entier.

Le monde s’oppose et est choqué par l’invasion de l’Ukraine.

Il s’oppose et n’est pas moins choqué par l’occupation d’Israël….mais les lignes ne bougent point. Les politiciens n’assurent pas. Le fait qu’Israël fasse un pied de nez aux décisions de la communauté internationale le place dans la même catégorie que la Russie et lui dénie le droit de critiquer. La différence : La Russie va apparemment être pénalisée par des sanctions sévères. Israël n’a jamais été puni pour son agression, et n’a pas payé le prix pour avoir ignoré les décisions de la communauté internationale. L’oncle Sam et ses satellites sont constamment là pour ouvrir le parachute.

DOUBLE STANDARD ET DOUBLE LANGAGE :

Dans Haaretz du 27 février 2022, Gideon Levy écrit : « L’attitude d’Israël à l’égard de l’opposition violente à l’occupation russe témoigne d’un double langage. Les actions du peuple ukrainien contre l’occupation ne sont pas seulement légitimes, elles sont même héroïques. Personne ne s’imagine critiquer un jeune Ukrainien qui lance un cocktail Molotov sur un char russe. Israël applaudira, comme le mérite ce jeune. Ce jeune est un héros et un patriote. Et que dire du jeune Palestinien qui fait la même chose ? Il doit bien sûr être tué, il est né pour tuer des Juifs innocents, c’est un animal, cruel et méprisable. Pourquoi le cœur d’Israël va-t-il vers les réfugiés ukrainiens et les victimes de l’horreur et de la peur là-bas, mais est indifférent à la souffrance et à la peur à Gaza et à l’expulsion des Palestiniens qui sont des réfugiés ? »

La Russie a promis qu’elle n’avait pas l’intention d’occuper l’Ukraine et qu’elle ne frapperait que des cibles militaires. C’est ce que dit constamment Israël quand il pilonne Gaza et tue des journalistes et des enfants jouant sur la plage. Washington, Paris et d’autres condamnent le mouvement BDS et imposent à la Russie des contraintes bancaires et lui interdisent l’accès au système SWIFT de circulation de l’argent mettant à mal son économie et sa monnaie, le rouble qui a perdu déjà 40% de sa valeur. Le shekel israélien ne craint rien de tel ! Où est la justice ? Où est la logique ? « Au-dessus d’un certain PNB et d’un budget de défense respectable, il est entendu qu’un Etat ne saurait commettre ni crimes ni guerre, ni génocide ni assassinats. » (Régis Debray, « D’un siècle l’autre », p. 113, Gallimard, Paris, 2020). Pour ne rien dire de la bombe atomique !

De plus, la Russie exige la démilitarisation de l’Ukraine et le remplacement de son régime. N’est-ce pas exactement ce qu’Israël exige de Gaza avant de se lancer dans une nouvelle série de meurtres de centaines d’enfants ? Il n’y a jamais personne pour discuter, prétend Israël ; le Hamas est à bannir et l’OLP ne représente rien : Israël répète cela comme un perroquet depuis que Golda Meir – née à Kiev, précisément et naturalisée américaine- a prononcé ces oukases.

Avec tous ses crimes et ses exactions, avec toute sa répression des Palestiniens, avec toute sa protection par l’armée des colons français, américains, moldaves qui attaquent, pillent les Palestiniens et brûlent leurs oliviers, Israël va avoir le culot de condamner la Russie ?

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