Présidentielles : échec et espoirs

Lendemains difficiles dans la pire situation possible, le scénario-catastrophe avec Macron et Le Pen au second tour. C’est d’autant plus rageant qu’il s’en est fallu d’un cheveu pour qu’une autre page s’ouvre… Malgré tout, de nouvelles tendances prometteuses se font jour, particulièrement dans notre ville et en Seine Saint-Denis.

Un sursaut citoyen à Bagnolet ?

Contrairement à la tendance nationale (ou départementale) et à ce qui s’écrit ça et là, l’abstention reste stable à Bagnolet : 29,97% en 2022  contre 29,72% en 2017. Dans les bureaux de vote, on a pu voir une nette  remobilisation avec de nombreux.ses jeunes votants pour la première fois et des personnes qui n’étaient pas venues voter depuis longtemps. Derrière la stabilité apparente de la participation, il y a en fait un sursaut démocratique plus important. En effet, en cinq ans de nombreux électeurs-rices sont décédé.e.s, notamment ces deux dernières années avec le Covid19. Les personnes décédées sont en général plus âgées et se situaient donc dans la catégorie de la population qui vote le plus. Au contraire, les jeunes pour la première fois en âge de voter font partie de la population qui vote le moins. Pour obtenir quasiment le même pourcentage de participation d’une élection présidentielle à l’autre, il a fallu un mouvement significatif de nouveaux votant.e.s et/ou de retours au vote de la part d’abstentionnistes. D’autant qu’il y a davantage d’inscrit.e.s: 19 022 en 2022 contre 18 413 en 2017. Pourvu que cette première expérience qui ne débouche malheureusement pas, ne décourage pas ces nouveaux électeur.rice.s…

Au niveau national, l’abstention progresse certes de façon régulière mais pas autant qu’on pouvait le craindre après les participations très basses des élections municipales, départementales et régionales. Les électeur.rice.s sont toujours là! C’est une bonne nouvelle.

Le Pen en échec  à Bagnolet

Ceci (la remobilisation des électeur.rice.s) explique-t-il cela? Comme le titre Le Parisien, Le Pen et Zemmour ne décollent pas en Seine Saint-Denis. Le Pen avait obtenu 10,97% en 2012, 10,48% en 2017 et elle obtient 9,07% en 2022. Certes, il y a Zemmour à 4,51%, mais pour lui aussi c’est un résultat très inférieur à la moyenne nationale. L’extrême-droite ne fait pas recette en Seine Saint-Denis et c’est tant mieux!

Le retour de la gauche

Après le quinquennat d’Hollande qui a tué la gauche, celle-ci est de retour, dans notre ville. Mais ce n’est plus la même gauche, bien évidemment. En 2017, Mélenchon soutenu par le PCF, obtenait 40,23 % des voix; en 2022, il obtient 54,36%, sans le soutien du PCF,  soit plus que les 52,37% de toute la gauche en 2017. L’ensemble des voix de gauche remonte aujourd’hui à 65,21%. La gauche, emmenée par LFI,  renoue donc dans notre ville (et plus largement dans le département de Seine Saint-Denis) avec des scores historiques. Et fait notable, il s’agit d’une gauche « augmentée » de l’écologie qui était très présente dans le programme et les discours de Mélenchon. Ne l’oublions pas, ce n’était pas du tout le cas de la gauche communiste et socialiste à ses plus belles années…

Le score très bas de la candidate socialiste, 1,3%, soit 170 voix dans notre ville semble indiquer un point de non retour. C’est une claque monumentale, le PS est à l’os dans notre ville. C’est encore moins que le score d’Anne Hidalgo au niveau national, 1,75%, c’est moins aussi qu’à Paris (2,17%) ou que dans les autres villes socialistes voisines: 1,91% aux Lilas, 1,71% à Pantin, 2,18% au Pré Saint Gervais… Je n’en suis pas réjoui mais pas surpris non plus.

De façon plus générale, le PS a été inaudible tout au long de la mandature « en même temps » macro-compatible et opposant à Macron. Pourtant Anne Hidalgo est une des rares maires de grande ville à avoir un vrai bilan écologique, par exemple avec le recul organisé de la place de la voiture à Paris. Mais elle n’est pas parvenue à s’extraire de l’ambivalence socialiste. Ainsi des grands projets immobiliers aberrants ont reçu son aval. Ainsi la gestion sanitaire et environnementale si peu réactive des retombées de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame. Et le projet de social-écologie, un temps mis en avant par le PS, a été abandonné en chemin. Au final qu’incarne aujourd’hui le PS? Les électeur.rice.s ont répondu.

Pôle écologiste EELV : tirer les leçons de l’échec

En 2017, PS et EELV avaient un candidat commun, Benoit Hamon, qui a réuni  10,06% des suffrages à Bagnolet; en 2022, le PS avec Anne Hidalgo obtient 1,30% et le pôle écologiste EELV environ quatre fois plus avec 5,06%. C’est bien sûr très décevant aussi pour Yannick Jadot qui avait encore obtenu 19,98% des suffrages aux élections européennes en 2019 à Bagnolet. Même ramené en nombre de voix, le recul est net: 682 voix au lieu de 1483. Le même candidat et la même équipe -et la même urgence écologique! – mais pas le même résultat. C’est qu’on ne vote pas de la même façon selon le mode de scrutin (de liste ou uninominal, un tour ou deux tours, variantes). Une faiblesse des écologistes est de faire l’impasse sur ce genre de questions, liées à l’organisation des institutions. Pour une présidentielle, il faut une stratégie de rassemblement. De ce point de vue, cela a été le festival des occasions perdues : d’abord la primaire écologiste, avec quatre candidats au coude à coude au premier tour puis à nouveau un résultat ric-rac au second tour. Et derrière pas de véritable ouverture et de construction politique pour intégrer les « perdants ». Idem avec la primaire populaire : Jadot arrive second après avoir dénigré un processus auquel il aurait mieux fait de participer. Echec encore du rapprochement avec Taubira. Il faut en tirer les premières leçons et négocier avec LFI pour parvenir à une union et obtenir des sièges à l’assemblée nationale. Il y en a besoin pour l’écologie!

Un éléphanteau ne passe pas par un trou de souris

Bien entendu, Jean-Luc Mélenchon et sa formation ont leur part de responsabilité dans l’échec de la gauche à se qualifier au second tour. On les a connu très arrogants au début du quinquennat de Macron: ils étaient plus écologistes que les écologistes, plus révolutionnaires que le PCF, plus antisocialistes que tout le monde… LFI doit se garder des habitudes hégémoniques du PS (et du PC), on sait où elles mènent! Dans la campagne qui vient de s’achever, JL Mélenchon et LFI ont été beaucoup plus rassembleurs, enfin! Espérons qu’ils le resteront car, contrairement à ce qui se dit, l’électeur.rice n’a pas la mémoire courte. Si Jean-Luc Mélenchon a bien su adapter ses discours à la nouvelle donne internationale marquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ce dont témoigne son meeting de Lyon par exemple, une prise de distance avec certains de ses propos passés aurait été heureuse, elle n’est pas venue. La force insoumise a mené la vie dure à Macron, mais elle n’a pas su ou pas voulu se structurer en véritable formation politique et intégrer les couches populaires. Elle est restée un hologramme de parti, au service d’un chef. La relève de LFI s’y prendra-t-elle autrement? L’avenir le dira.

Toutes les forces de gauche et écologistes partagent la responsabilité de la désunion et de l’échec au premier tour. Dans le temps très court des législatives, elles doivent maintenant trouver une autre voie, ce n’est pas gagné. L’union est toujours un combat!

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