Avec la Coordination EAU IDF, j’ai participé à la mobilisation internationale à Sainte Soline le week-end des 24, 25 et 26 mars. Récit et premières réflexions. Malgré le chaos provoqué par la répression, 30 000 personnes ont montré leur détermination à construire un avenir écologique et solidaire autour de l’eau.
C’est à un dispositif policier complètement démesuré qu’a fait face le mouvement contre les mégabassines. Plus de 3000 gendarmes et CRS, une dizaine d’hélicoptères, deux canons à eau, des voltigeurs en quad, des camions par dizaines… Un coût de 5 millions d’euros est évoqué pour l’opération. Quand on accumule de telles forces, c’est pour s’en servir et provoquer le chaos. Des milliers de grenades de tous types (lacrymogènes, assourdissantes, explosives), des LBD ont été lancés. Les observations de la LDH en témoignent de façon factuelle.
Les secours ont été entravés par les forces de l’ordre ainsi que le décrivent la LDH et une urgentiste sur place. Une des personnes plongées dans le coma, a attendu trois heures avant d’être évacuée. Les blessé.e.s regroupé.e.s un peu à l’écart, ont été ciblé.e.s par des tirs ainsi que des député.e.s, bien visibles avec leurs écharpes tricolores, qui tentaient de s’interposer.
Le bilan humain est lourd. Deux personnes entre la vie et la mort, plusieurs dizaines sérieusement blessé.e.s et plusieurs centaines touché.e.s. Nous pensons à eux, à elles, à leurs proches.
Et tout ça, pour quoi? Pour protéger une excavation entourée de remblais de terre! Plutôt que de transformer la bassine en forteresse, il eut été si simple de laisser la manifestation festive, avec ses mascottes, ses drapeaux, ses banderoles colorées et ses fanfares, se dérouler, prendre possession symboliquement du lieu et se disperser. Mais c’est le symbole qu’a justement voulu tuer le ministre de l’intérieur et son président. Le symbole de la résistance à l’accaparement de l’eau, le symbole du partage entre toutes et tous. D’où le déchaînement d’une violence que rien ne justifiait. La répression pour ne pas répondre à la demande collective de moratoire sur les mégabassines et d’ouverture de discussions sur le fond. Un 49.3 écologique comme cela a été si bien dit.
Un fort beau mouvement
Pendant les trois jours à Sainte Soline et à Melle, nous avons vu se déployer un beau mouvement pour l’eau, commun public et naturel. Beau de sa diversité: jeunes et moins jeunes, ruraux et citadins, multitude de groupes et d’idées… Beau et massif avec des centaines de personnes réunies pour vibrer avec les militant.e.s d’Afrique, du Chili, du Canada, voir un film ou écouter une conférence sur l’histoire du remembrement! Beau et touchant par le respect et le soin donné à l’autre. C’était une dimension préparée à l’avance avec la « base arrière », du soutien psychologique à la garderie d’enfants. C’est sans doute ce qui a permis de tenir face à l’horreur.
Cette bienveillance constitutive du mouvement, à mille lieux des balivernes de certains médias et d’un certain ministre sur les groupes violents, était particulièrement impressionnante le lendemain de la manifestation, lors d’une AG. Objectivement c’était un moment difficile, douloureux, après les évènements de la veille. Des interrogations sur la stratégie suivie, sur les suites à donner, se sont exprimées d’une façon ouverte, tranquille, sans reproches. Une manifestation d’intelligence collective, de maturité. De cette façon-là, le mouvement n’est pas près de s’arrêter, nous irons loin ensemble, c’est sûr!
Des foules éclairantes
La réussite éclatante de cette mobilisation, c’est la sensibilisation et la compréhension collective des enjeux autour de l’eau qui ont fait un pas de géant pendant ces trois jours. Les luttes sur l’eau en France et à l’international ont convergé: de Vittel et de Volvic contre les minéraliers, de Grenoble contre la micro-électronique gourmande en eau, du triangle de Gonesse, d’un peu de partout contre les mégabassines… On comprend mieux à quoi on se confronte et ce qu’on veut. On parle de changement climatique, d’alimentation et d’agriculture, de modèles économiques. La réforme des retraites n’est pas loin non plus et la question démocratique est présente comme jamais…
Car « ça s’écrit eau, ça se lit démocratie »