Jeudi 12 décembre, le conseil municipal de Bagnolet a examiné le principe du recours à une délégation de service public au privé pour future crèche Pêche d’Or. Voici l’avis critique du groupe Ecolos solidaires, citoyen.ne.s et radicaux qui s’est abstenu sur cette délibération.
Ces derniers mois plusieurs scandales de maltraitance de bébés et de détournement de fonds publics concernant les crèches lucratives ont défrayé la chronique. Deux livres très documentés ont été publié : en septembre dernier, « les ogres » de Victor Castanet, un journaliste qui avait déjà enquêté sur les EPHAD, et en 2022, « Le Prix du berceau », de Mathieu Périsse et Daphné Gastaldi.
Le secteur des crèches lucratives s’est développé depuis plusieurs années dans des logiques d’optimisation des coûts au détriment de la qualité du travail, du personnel et des enfants. Les crèches lucratives ont suivi le même type d’évolution que celui du secteur des personnes âgées, dans une dynamique low cost.
Le problème de fond provient du mode de financement imaginé en 2002, la « prestation de service unique » [les dotations publiques versées par les CAF aux gestionnaires de crèches – ndlr], pensé par la Cour des comptes et par Bercy avec une visée financière : afin de pousser les groupes à optimiser l’argent public, une tarification à l’heure a été prévue, plutôt que des forfaits à la journée. Ce qui incite à remplacer chaque absence. Cette logique s’est avérée néfaste pour les enfants.
Les crèches privées représentent seulement un quart du marché, mais 90 % des nouvelles places. A cet égard, c’est la responsabilité des collectivités locales comme la nôtre, qui est engagée.
Les mauvaises pratiques constatées dans les crèches privées pour améliorer les marges financières consistent par exemple à aller au-delà de la capacité réglementaire d’accueil de la structure. Sans personnel en plus bien sûr. Ces enfants « surnuméraires », c’est ça qui va casser la mécanique très fine d’une crèche et qui peut possiblement conduire à de mauvais gestes. Pour remporter des appels d’offre, en proposant des prix plus bas, la masse salariale est diminuée de 10% par rapport à une gestion publique. Il existe des pratiques encore plus étonnantes qui consistent à faire payer aux familles la réservation d’un berceau en attendant qu’une place se libère !
Deux remarques pour terminer
Les difficultés chroniques rencontrées dans la gestion du personnel à Bagnolet ne justifient pas le recours au privé. Du personnel « en souffrance », « une administration communale structurellement dysfonctionnelle » pointait la mission Talisker en début de mandat. Ce constat n’enlève rien, bien sûr, au sens du service public et à l’engagement de très nombreux agents. Mais il appelle à s’attaquer à la situation, à s’appuyer sur le personnel et la population pour obtenir un redressement du service public. C’était le sens de notre proposition d’États Généraux du service public local qui est toujours sur la table.
J’entends bien les difficultés de recrutement pour une gestion publique des crèches. Mais cela ne me semble pas insurmontable avec un peu d’imagination et de volonté. Je voudrais vous faire part de mon expérience à ce sujet. La régie publique de l’eau d’Est Ensemble ne parvenait pas à recruter certains postes techniques pour des interventions de terrain sur les réseaux d’eau potable. Il y a une concurrence entre les entreprises publiques et privées et ces métiers sont en tension. Une démarche a été construite avec France Travail. Une vingtaines de personnes qui étaient en capacité d’effectuer ces travaux ont été sélectionnées par France Travail. La régie les a accueilli pour un stage de terrain de quinze jours. A l’issue du stage, la moitié a pu intégrer les effectifs de la régie.
Pour toutes ces considérations, notre groupe s’abstient sur cette délibération.