Motion proposée par les représentant·es des parents d’élèves (PICT), adoptée par le conseil d’administration du collège Travail-Langevin de Bagnolet du 4 avril 2024.
Nous, parents d’élèves du collège Travail Langevin de Bagnolet, refusons collectivement la réforme du collège imposée sans concertation par le ministère de l’Éducation nationale, et les annonces récentes de l’exécutif.
Plutôt que de donner davantage de moyens pour la scolarité des élèves les plus fragiles, le gouvernement fait le choix de mesures qui sanctionnent, qui sélectionnent et qui trient nos enfants. La politique éducative du gouvernement répond aux pressions de la droite libérale et réactionnaire ainsi que de l’extrême droite en reprenant leurs propositions.
Nous refusons que nos enfants soient trié·es, dès 10 ans, sur leur dossier scolaire de primaire, dans des groupes de niveau.
En tant que parents d’élèves, nous sommes extrêmement alarmé·es du tri des élèves que le gouvernement cherche à imposer, via ces groupes de niveaux, en français et en mathématiques en 6ème et 5ème à la rentrée 2024 ainsi qu’en 4ème et 3ème à la rentrée 2025. Au contraire, la recherche a montré que l’enseignement en groupes de niveaux a des effets négatifs sur le niveau moyen des élèves et ne profite – au mieux – qu’aux élèves qui sont déjà les plus performant·es. Les élèves les plus en difficultés, au contraire, ne profitent plus de l’aide et de la stimulation des élèves les plus fort·es.
D’autant que les groupes dits « faibles » devront suivre le même programme, à la même vitesse et sans heure supplémentaire de cours que les autres groupes : cela n’a pas de sens.
Les textes prévoient des changements de groupes si un ou une élève progresse, mais, outre la difficile progression dans de tels groupes, l’ensemble des groupes sont prévus à effectifs constants. Ce qui implique que, si un·e élève « montait » de groupe, un·e autre devrait « descendre ». Peu probable.
La réforme prévoit en plus l’impossibilité de passer en lycée général sans obtention du brevet, et un durcissement de celui-ci. Une classe de “transition” serait prévue pour les élèves voulant faire un lycée général sans avoir eu son brevet mais cette classe ne serait proposée qu’à… 35 élèves par département environ ! Or, l’année dernière, sur les 4368 collégien·nes et candidat·es libres qui ont passé les épreuves du brevet en Seine-Saint-Denis, 16% ont échoué à l’examen, ce qui représente presque 700 élèves !
Ainsi, les élèves qui auront été placé·es à 10 ans dans des groupes « faibles » auront toutes les chances de ne pas pouvoir poursuivre une scolarité générale. Et avec la réforme, pour ne pas dire la casse, du lycée professionnel de l’année passée, ils et elles seront dirigé·es tout droit vers des CFA, où leur seront imposés de l’apprentissage en alternance en entreprise. Ils et elles seront ainsi une main d’œuvre peu chère pendant leurs études mais jamais embauché·es car remplacé·es l’année suivante par les élèves qui les suivront. Nous refusons ce tri social !
Nous, parents d’élèves, refusons le tri de nos enfants et exigeons :
- le retrait pur et simple de la réforme dite du “Choc des savoirs”,
- l’arrêt des évaluations nationales, qui stressent les élèves et ne permettent qu’une mise en concurrence des enfants.
Nous refusons que les moyens, humains et financiers, de l’école publique soient encore réduits.
Rien que dans le second degré, on constate depuis 2017 la suppression de 8000 postes ainsi qu’un abandon complet de l’éducation prioritaire dont notre collège fait partie.
L’école publique doit être un lieu d’émancipation et de mixité, un lieu commun de socialisation. La Seine-Saint-Denis est le département le plus pauvre de France hexagonale mais est le moins bien doté en matière d’éducation. De nombreux rapports l’ont montré.
Notre collège, comme de nombreux autres dans le département, est classé en réseau d’éducation prioritaire et il ne dispose pour autant pas des moyens supplémentaires conséquents dont nos enfants auraient besoin, ce qui permettrait par exemple de réduire les effectifs des classes et de dédoubler systématiquement certains cours. Alors même qu’il est démontré depuis longtemps que la diminution du nombre d’élèves par classe est le facteur principal de réussite des élèves et le moyen le plus efficace pour réduire les inégalités, la France fait partie des pays européens avec les classes les plus chargées, et les politiques d’économie perdurent depuis de trop nombreuses années, ce qui ne permet pas de faire évoluer la situation dans le bon sens. C’est d’un investissement massif dont l’école a besoin, en particulier en Seine-Saint-Denis où elle semble bien souvent laissée à l’abandon.
Nous, parents d’élèves, exigeons la mise en place d’une politique éducative ambitieuse, avec :
- la baisse du nombre d’élèves par classe,
- le dédoublement systématique de certains cours,
- l’augmentation des salaires de l’ensemble des professionnel·les de l’Education nationale, pour rendre leurs métiers plus attractifs,
- la création d’un vrai statut et la revalorisation des salaires des AESH qui accompagnent celles et ceux de nos enfants qui ont un handicap
- et le recrutement effectif, et massif, de personnels de vie scolaire et médico-sociaux.
Nous refusons également la militarisation de nos enfants.
Les annonces passées du président de la République nous horrifient : éventuelle généralisation du port de l’uniforme en 2026, généralisation probable du Service national universel (SNU) pour les élèves de seconde à partir de 2027 (nos enfants, donc).
Ces dispositifs sont des opérations de soumission de la jeunesse, et le SNU, sous tutelle conjointe du ministère de l’Education Nationale et des Armées, relève d’une inquiétante intrusion du militaire dans l’éducation. Sa mise en place sur le temps scolaire serait un nouveau coup porté aux heures dévolues aux apprentissages. C’est une militarisation et un renforcement de la soumission qui éloignent encore plus l’école d’un projet émancipateur.
Uniformes, encadrement militaire, lever à 6h30 et coucher à 22h30, salut au drapeau, Marseillaise, marche au pas, etc., tout ceci vise à banaliser le rôle de la police et de l’armée, alors que celles-ci sont en pointe dans la répression, tout particulièrement dans nos quartiers. Sans surprise, il n’est nullement question dans le programme du SNU de pacifisme ou de non-violence.
Nous sommes d’autant plus inquiet·es, en tant que parents, que les séjours du SNU sont régulièrement épinglés pour leur caractère maltraitant pour les jeunes : de nombreux cas d’encadrement défaillant, d’accidents, de traitements dégradants, de punitions collectives, de racisme, de harcèlement sexuel, etc. ont été révélés. Et rien, dans l’organisation des séjours ni dans la communication gouvernementale, n’est prévu pour l’accueil et l’inclusion de nos enfants en situation de handicap ou relevant de minorités de genre.
Enfin, nous relevons, avec dépit, que ces mesures inutiles et dangereuses coûtent « un pognon de dingue ». Les chiffres évoqués sont de plusieurs milliards d’euros. Nous, parents, exigeons que cet argent soit investi dans une école publique émancipatrice, au service des élèves, nos enfants.
Les parents élu·es en colère du collège Travail-Langevin