Des enfants dans des tiers-lieux ?

Depuis quelques mois, une classe de CM1/CM2 de l’école Langevin à Bagnolet se rend tous les mardis, pour faire classe dehors, dans le jardin du Sample. Une pratique encore assez rare dans les tiers-lieux pour être remarquée. Un article de Moïna FAUCHIER DELAVIGNE dans l’Observatoire des tiers-lieux.

Ce mardi matin de janvier, une vingtaine d’enfants de CM1/CM2 de Bagnolet font une bataille de boules de neige dans le jardin du Sample. Cette matinée d’école très joyeuse et un peu bruyante restera sûrement dans les mémoires. Pour une fois, ces jeunes Bagnoletais étaient privilégiés par rapport aux autres petits franciliens qui regrettaient de ne pas avoir le droit toucher à la neige dans leur cour de récré. Car depuis l’automne dernier, Yacine Bouaznil’enseignant d’une classe de CM1/CM2 de l’école publique Langevin s’est lancé dans la “classe dehors”. Une demi-journée par semaine, il enseigne dans un espace extérieur à proximité de son école, en l’occurrence les 2 000m2 d’extérieur de ce tiers-lieu culturel installé à Bagnolet depuis 2021, à deux pas du périphérique.

Nous (l’association La Fabrique des communs pédagogiques – Fabpeda) avons participé à faciliter ce projet, en appui au Sample. L’histoire commence fin 2021. Benjamin Gentils, est invité à évoquer la question des tiers-lieux et de la citoyenneté au PAM Festival. Celui qui a cofondé l’association Fabpeda interpelle : pour lui, « une friche qui permet à des artistes d’avoir des locaux pas cher, c’est bien mais cela ne suffit pas, surtout si on s’installe dans le 93. » Les tiers-lieux ont la responsabilité de travailler aussi en lien avec les habitants du quartier et en particulier les enfants. Pour que le quartier qui accueille puisse profiter aussi de leur présence.

De l’envie et de la patience

Gigi Bartoli, qui sera bientôt embauchée par Le Sample, pour travailler sur l’intégration du tiers-lieux sur le territoire et les questions d’éducation, commence à rencontrer les acteurs locaux de l’éducation, en lien avec la Fabpeda :  coordinateurs REP, directeurs d’écoles, conseillers pédagogiques, centres sociaux… Le Sample lance alors un appel à ses résidents, pour vérifier qui aimeraient travailler avec des enfants. Une quinzaine viennent à la première réunion : ce sujet fait bien sens. En parallèle, au fil des mois, le programme Classe dehors que nous avons lancé en 2021 se développe et nous commençons à louer un petit bureau dans le tiers-lieu à l’été 2022. L’idée de proposer les espaces du Sample pour accueillir des classes dehors germe.

Mais comment un lieu de concert pourrait aussi être considéré comme un espace adapté pour des enfants en semaine ? De plus, même si l’espace extérieur est vaste, il ne ressemble pas un  jardin luxuriant mais plutôt à une friche, parfois relativement boueuse malgré les copeaux de bois au sol.

Une bonne année et demie sera nécessaire pour qu’une première classe investisse le tiers-lieu. D’abord il fallait que les cadres de l’éducation nationale nous fassent confiance et s’emparent de l’idée de cette expérimentation pour que le projet s’installe finalement de façon sereine et stable. En mai 2023, suite à l’accueil au Sample d’un séminaire des conseillers pédagogiques en Éducation au Développement Durable de Seine Saint-Denis, la coordinatrice REP, Chloé Besson, lance un appel à volontariat aux enseignants de Bagnolet qui aimeraient faire classe dehors. Yacine y répond.

Pourquoi emmener ses élèves au Sample ? Le Parc des Guilands est bien plus vaste et vert et équidistant de l’école. Pourtant, même si l’enseignant y allait déjà avec sa classe pour des séances de sport, il ne s’est jamais aventuré dans la partie boisée, n’imaginant pas comment y faire classe. L’existence d’un lieu de nature à proximité de l’école ne suffit pas. Il faut pouvoir s’y sentir en sécurité.

Participer à un projet proposé par sa hiérarchie, dans l’espace clos du Sample et se sentir soutenu par une équipe sur place l’a décidé. La construction d’un amphithéâtre dehors, conçu par deux résidents et créé lors d’un chantier participatif, a aussi aidé. La structure en bois est depuis devenue un repère visuel pour les enfants, où se rassembler, poser ses affaires, ou s’installer confortablement pour faire des maths dehors.

Les tiers-lieux peuvent jouer un rôle clé pour accompagner l’essor de cette pratique, en offrant ce cadre sécurisant pour les premiers pas. C’est en particulier nécessaire en ville et dans les REP qui sont aussi souvent les lieux moins riches en nature. Il s’agit de permettre aux enfants de ces quartiers de se reconnecter avec la nature, et profiter de tous les effets bénéfiques prouvés de ces temps réguliers dehors, notamment pour leur développement physique, leur bien-être mental et leur réussite scolaire.

Mi-janvier, la classe de Yacine partait en classe de neige, équipée de kits de mesure de la pollution de l’air. Ils les utiliseront à la montagne et à leur retour à Bagnolet, chaque semaine. De quoi participer à développer leur conscience environnementale mais aussi leur esprit critique et pourquoi pas leur participation à l’évolution de leur ville.

Pour des raisons de transparence, l’Observatoire des Tiers-Lieux spécifie que son responsable éditorial, Arnaud Idelon, est également cofondateur et président du Sample à Bagnolet, qui accueille cette expérimentation de Classe Dehors. 


Cet article est publié en Licence Ouverte 2.0 afin d’en favoriser l’essaimage et la mise en discussion.

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