La partie recettes de la loi de finances 2025 a été rejetée par l’Assemblée nationale. Les explications de notre député, Alexis Corbière.
Avant la grande Révolution Française, même sous l’Ancien régime antidémocratique, aucun impôt ne pouvait être mis en place sans l’accord des représentants des Etats-Généraux. C’est d’ailleurs pour cela que ces derniers seront à nouveau convoqués par le Roi Louis XVI en mai 1789, avec les conséquences révolutionnaires que l’on connaît. Ainsi, le point de départ fut précisément des questions fiscales jugées injustes pour le peuple et refusées par les représentants élus qui se constituèrent en réaction en Assemblée nationale, pour la première fois de notre longue Histoire.
Débattre du budget de l’Etat, de ses recettes et de ses dépenses, est au cœur de notre système démocratique et de sa dimension républicaine. Ce n’est pas un débat de spécialistes qui doit se dérouler loin des aspirations et attentes populaires. Un budget ce ne sont pas des chiffres froids et abstraits, c’est au contraire un débat très politique et très concret.
C’est pourquoi le rejet, cette semaine, de la partie recettes du Projet de loi de Finances (PLF) est un moment inédit, jamais vu, d’une dimension majeure. Observons d’abord que ce rejet est le fruit de l’addition baroque mais qui devient fréquente, des députés du prétendu « socle commun », c’est-à-dire les députés macronistes et la droite, avec les députés d’extrême-droite du Rassemblement National. A l’inverse, l’intégralité des députés du NFP a voté pour le texte qui, il est vrai a été amendé et enrichi par les débats parlementaires dans les différentes commissions. Il proposait notamment 75 milliards d’euros de recettes (impôts) supplémentaires concentrées en grande majorité sur les multinationales et les plus fortunés de notre pays. Il supprimait également 17 milliards de recettes injustes (qui frappaient les collectivités et les ménages modestes) prévues dans le PLF initial par du gouvernement Barnier. Au final, le budget rejeté avait changé de cohérence par rapport à sa version initiale, en établissement 58 milliards d’euros de recettes nettes, destinées à pourvoir aux besoins de Français.
Les soutiens au gouvernement et l’extrême-droite se sont donc alliés sur ce vote pour protéger les plus grosses fortunes du pays. Ces possédants, et notamment les entreprises qui délocalisent et licencient après avoir perçu des millions d’euros d’aides publiques, peuvent leur dire merci. Faisons passer le message chez tous ceux qui pourraient être abusés par le discours démagogique et raciste des lepénistes.
Désormais, la stratégie Barnier est simple. Revenu à son état initial, le PLF va être examiné par le Sénat conservateur, qui soutient l’actuel premier ministre et son très réactionnaire ministre de l’intérieur. Ce jeu de navette se terminera dans une commission mixte paritaire (CMP) dont le résultat sera bien évidement imposé par 49 alinéa 3, à l’Assemblée nationale.
Mais où est le respect de la souveraineté populaire devant ce spectacle désolant ? Quel nom donner à des institutions qui imposent des budgets qui ne sont pas adoptés par les représentants du peuple ? La Ve République brutalise la démocratie. D’où la nécessité de passer à la 6e République.
Sans que la partie dépenses du PLF ne soit même examinée par l’Assemblée nationale (autre jamais vu), la petite équipe de brutes, de mercenaires et d’opportunistes qui usurpe le nom de « gouvernement », continue ses méfaits, comme si elle avait une once de légitimité pour agir. Le ministre Kasbarian continue ses provocations contre les fonctionnaires et déclare vouloir s’inspirer du trumpiste milliardaire Elon Musk. La ministre de l’éducation nationale veut imposer l’obtention du brevet des collèges en fin de 3e pour accéder au lycée. Ce qui aura pour conséquence d’exclure, dès leur 14 ou 15 ans, de l’éducation nationale chaque année près de 120 000 jeunes (très majoritairement issus des milieux populaires) sans qualification, qui deviendront une main d’œuvre bon marché. Et les plans de licenciements se multiplient (Michelin, Auchan …) sans que le gouvernement ne réclame le remboursement des aides publiques, ni ne remette en cause les cadeaux fiscaux comme le Crédit Impôt Recherche (7,6 milliards cette année), captés majoritairement par les grands groupes.
Pendant ce temps, une sourde colère monte dans le pays. Elle est juste et légitime.