Après le choc de l’assassinat de Mehdi Kessaci, une marche blanche s’est déroulée à Marseille et des rassemblements ont eu lieu dans de nombreuses villes dont Bagnolet et Montreuil. Beaucoup d’émotions et aussi beaucoup de questions sur la façon de sortir de ce fléau
Ecoutez l’intervention émouvante et exigeante d’Amine Kessaci sur France Inter le jeudi 20 novembre
Demandant justice pour Mehdi, demandant justice pour Brahim, son autre frère assassiné il y a cinq ans, demandant justice pour toutes victimes et sécurité pour sa famille, Amine Kessaci, militant écologiste et anti-drogue, est intervenu ce samedi 22 novembre à Marseille. « Depuis des années nous alertons, nous parlons parce que nous savons que le silence tue. Chacun des reculs des institutions a favorisé l’avancée du narcotrafic », a-t-il dit.
« Bien sûr, nous avons besoin de policiers et de sécurité. Bien sûr, il faut renforcer les moyens de la lutte contre le narcotrafic. Mais nous avons besoin de justice sociale, d’engagement de l’État et des collectivités, de soutien aux associations qui font le boulot tous les jours avec très peu de moyens. »
La question de l’égalité posée avec force par l’Assemblée des quartiers
Ce combat nous concerne tout particulièrement à Bagnolet. Parce que l’emprise du narcotrafic dans plusieurs quartiers est bien connue et qu’elle y fait des victimes. Parce que le service public communal est malmené. Assurément, l’avenir de notre ville passe par des services publics revivifiés et présents sur le terrain.
Dans ce combat contre le fléau de la drogue, nous ne sommes pas adeptes des coups de menton auxquels nous ont habitués les ministres de l’Intérieur successifs. Et encore moins des opérations de guerre soi-disant contre la drogue, mais le plus souvent contre les plus pauvres et les migrant.es, qui se produisent dans divers pays dans le monde, comme tout récemment encore au Brésil. Cela fait peut-être rêver l’extrême-droite et une partie de la droite, mais cela n’a jamais fait reculer le trafic d’un iota, nulle part. Quant à la mise à l’isolement des trafiquants condamnés, dans des prisons spéciales, c’est encore et toujours de la communication, qui ne produit pas grand effet sur le trafic lui-même mais qui fait reculer les droits humains pour tous.tes.
Alors oui, pour s’attaquer au système de la drogue, il faut un tissu social et éducatif robuste, le retour des services publics dans les quartiers, comme le réclame l’Assemblée des quartiers. Il faut aussi frapper à la caisse avec une lutte acharnée et systématique contre la fraude fiscale et la corruption. La mise en place d’un parquet dédié à la lutte contre la drogue est une idée intéressante qui fait penser à la lutte contre la mafia en Italie, mais il faut rester prudent et voir si les actes et les moyens suivent vraiment. Beaucoup se joue à une échelle internationale qui mobilise des technologies sophistiquées d’acheminement et de blanchiment, notamment dans les paradis fiscaux. Les puissantes forces économiques de la grande criminalité se reconstituent quand bien même on met « les petites mains » en prison. Ce qui, soit dit en passant, est la cause principale de la surpopulation carcérale intenable de la France.
Enfin il faut faire le constat d’un échec. Malgré (ou à cause de?) la politique de prohibition conduite depuis 50 ans, la France est le pays européen le plus consommateur de drogues. Sur l’évolution de la situation dans notre pays, lire, une fois n’est pas coutume, dans Le Figaro: Cocaïne, cannabis, MDMA… Le point sur la consommation de drogues en France
La dépénalisation du cannabis la drogue de loin la plus consommée (en dehors du tabac et de l’alcool, bien sûr) assècherait les finances du narco-système. Début 2025, dans leur rapport concluant les travaux de la mission d’information visant à « évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants », Antoine Léaument (LFI) et Ludovic Mendes (apparenté EPR) ont proposé de légaliser la consommation récréative de cannabis dans un objectif de santé publique et de lutte contre les réseaux criminels qui tiennent aujourd’hui le trafic de drogue Lire ici. Cela permettrait un meilleur contrôle des substances, une politique de prévention, libérerait des forces pour une lutte plus conséquente contre le narcotrafic et pourrait enfin donner des résultats concrets.
