La 5G, c’est parti ! Les grands opérateurs de téléphonie mobile sont prêts. Les fréquences ont été vendues aux enchères, les antennes ont été ou sont en train d’être installées, les premières offres de forfaits ont été proposées aux particuliers.
Et pourtant que sait-on de cette technologie ? Sommes-nous, nous consom’acteurs, éclairés sur ses apports ? pouvons-nous encore questionner sereinement ses usages dans le cadre contraint et limité des ressources premières et énergétiques qui est le nôtre ? Un dossier réalisé par EELV Pantin.
Oui, le numérique est plus que jamais entré dans notre quotidien et nous est essentiel. C’est une évidence ressentie par tout un chacun dans la période d’état d’urgence sanitaire que nous vivons. Même pour nous les Amishs – insulte rétrograde pour certains ou qualificatif bravache pour d’autres – nous qui sommes paradoxalement ultra connectés. Cependant, à travers la 5G, s’interroger sur un usage sobre du numérique, son impact dans la lutte contre les émissions à effets de serre et son rôle dans la transition écologique nous semble incontournable pour être à la hauteur des enjeux.
Environnement : sobriété énergétique et consommation
- Le numérique est-il forcément écologique? Participe-t-il à la transition écologique ?
Vrai et faux: si le numérique peut faire partie de la solution, son utilisation se doit d’être sobre et dans le respect des engagements en neutralité carbone.
Quelques données :
- En moyenne, il faut mobiliser de 50 à 350 fois leur poids en matières pour produire des appareils électriques à forte composante électronique, soit par exemple 800 kg pour un ordinateur portable et 500 kg pour un modem.
- La part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre a augmenté de moitié depuis 2013.
Selon les mots de la Convention Citoyenne pour le Climat : “Dans l’esprit des gens, le numérique est immatériel et peut faire l’objet d’un usage illimité. Nous avons nous-mêmes été stupéfaits, pendant la Convention citoyenne pour le climat, de découvrir l’impact carbone de nos pratiques. »
2. la 5G, La facture énergétique va-t-elle considérablement augmenter ?
On ne sait pas : Les opérateurs télécoms et les équipementiers affirment que la 5G est moins énergivore que la 4G. Mais, de fait, la facture énergétique dépendra beaucoup des usages, qui ont tendance à se multiplier. Le think tank « The Shift Project» qui milite pour sortir des énergies fossiles, estime qu’avec la 5G la consommation d’énergie des opérateurs mobiles sera multipliée par 2,5 à 3 dans les cinq ans à venir, soit une augmentation de 2 % de la consommation d’électricité du pays.
3. Avec la 5G, me faudra-t-il un nouveau téléphone ?
Vrai, mais pas tout de suite : En effet, pour bénéficier de ce très haut débit, il est nécessaire de s’équiper de nouveaux appareils. Toutefois, la 5G ne sera pas pleinement opérationnelle tout de suite car il faudra attendre que les premiers équipements soient mis en service et ils ne couvriront pas tout le territoire. De plus, pour qu’un réel bond en matière de qualité de réseau soit réalisé, les opérateurs devront utiliser plusieurs bandes de fréquence, ce qui ne sera possible que dans quelques années. Vu le (court) cycle de vie des téléphones portables (les appareils sont renouvelés en moyenne tous les deux ans), il est plus prudent d’attendre que la technologie soit complètement déployée pour investir dans de nouveaux équipements.
Les effets indésirables
4. La 5G est-elle dangereuse pour la santé ?
On ne sait pas. Cela fait des années que les chercheurs s’interrogent sur les effets des ondes sur la santé sans parvenir à s’accorder sur de possibles effets à long terme ; à court terme, aucun effet significatif n’est observé. Ce qui est certain, c’est que les antennes 5G, qui seront peu nombreuses au début, n’émettront leur signal que quand elles seront sollicitées par un terminal (lorsqu’un utilisateur sera à proximité) et pas en permanence, comme le font les antennes 4G.
5. La 5G accélère-t-elle les phénomènes de surveillance ?
Vrai. Si La 5G n’est pas “responsable” des phénomènes de surveillance via des outils numériques, elle les accélère.
- Rappel : les fichiers et lois de surveillance en France, se multiplient : fichier TAJ (2012), loi renseignement (2015), fichier TES (2016), loi Sécurité globale (2020)
- La tendance actuelle, qui est celle d’une explosion de ces dispositifs de surveillance. La reconnaissance faciale par exemple, est en plein boom
- En France, entre 2013 et 2020, le nombre de caméras de vidéosurveillance dans les 50 villes les plus peuplées de France a été multiplié par 2,4 passant de près de 4 800 caméras à plus de 11 400.
- Le cabinet Gartner prévoit que 70% des équipements installés au réseau 5G seront des caméras de surveillance.
6. La 5G menace-t-elle les prévisions météo ?
rai. Le déploiement d’ici quelques années de la 5G dans la bande des 26 GHz (pour l’instant, seules les bandes plus basses, notamment autour de 3,5 GHz, sont concernées) inquiète les scientifiques car les satellites météorologiques utilisent des fréquences très proches. « Cette bande est en effet indispensable pour la mesure de la concentration en vapeur d’eau de l’atmosphère et, par conséquent, pour les prévisions météorologiques et le suivi du changement climatique », explique l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Les États n’ont réussi à s’accorder que sur des limites très lâches et pourraient donc mettre en danger les prévisions météo.
Les moyens d’actions?
7. Qui peut s’opposer à son déploiement ? Une ville ou une région peuvent-elles interdire la 5G?
Faux. Les élus locaux n’ont pas la possibilité de s’y opposer. Comme l’a rappelé le Conseil D’État, « seules les autorités de L’État désignées par la loi sont compétentes pour réglementer de façon générale l’implantation des antennes-relais de téléphonie mobile ». Sébastien Soriano, l’ancien président de l’autorité de régulation des télécoms, l’Arcep (remplacé par Laure de la Raudiere) a de son côté appelé les opérateurs à « être dans le dialogue avec les maires pour expliquer ce qu’est la 5G ».
Un particulier peut-il refuser la 5G ? Un particulier peut -il s’attacher à une antenne ?
Vrai. Tant que vous utilisez un téléphone non compatible et que vous n’avez pas de forfait 5G, vous ne passerez pas par ce type de connexion très haut débit. Vous pourrez continuer d’utiliser les autres réseaux (Edge, 2G, 3G, 4G…) selon votre type d’appareil, votre forfait et le réseau disponible localement. « Les réseaux préexistants ne vont pas disparaître. Plusieurs flux vont se superposer », confirme l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Ce qui met en exergue le caractère énergivore de la 5G en tant qu’ajout et questionne son utilité .
Le monde de demain : smart-cities, safe-cities
9. Qui va (surtout) en profiter ?
Les entreprises. Ce ne sont pas les usagers de téléphones mobiles qui vont le plus profiter de la 5G, car la 4G est déjà suffisante pour supporter des débits importants comme des vidéos. Ce sont surtout les entreprises qui pourraient être intéressées par les nouveaux usages permis par la 5G (dont profiteront les particuliers par ricochet) :
- pilotage automatique dans certaines industries,
- voitures autonomes, villes connectées…
- Les vidéos à très haute résolution pour des usages de particuliers et de professionnels ;
- La réalité virtuelle à 360° en connectivité sans fil ;
- La connectivité à haut débit et faible latence entre les véhicules et les infrastructures de transports et de véhicules à véhicules, ou pour les usages de divertissement à l’intérieur des véhicules ;
- La récupération des données de la multitude de capteurs de la « ville intelligente » pour, par exemple, contrôler les flux routiers et les divers niveaux de pollutions ;
- Les télé-opérations de toutes sortes, grâce à la faible latence et aux échanges d’images vidéo très précises, par exemple dans le domaine de la santé ou des exploitations minières
- Le suivi précis des troupeaux dans les exploitations agricoles grâce à des capteurs sur le bétail.
10. Pas de 5G, pas de villes intelligentes?
Faux. Les capteurs sont déjà dans la ville : dans les réseaux d’infrastructures, dans les rues, et, surtout, dans nos poches via nos smartphones. La Smart City, la ville intelligente est bel et bien l’avenir de nos villes. Mais de quelle Smart City parle-t-on ? Le numérique, pour quoi faire ?
Depuis 15 ans, des promesses d’une ville ultra-moderne, à la fois connectée, agréable et durable. Mais, dans bien des villes, le rêve a viré au cauchemar. Le numérique devait mettre fin aux bouchons, il n’a fait que les aggraver. Waze devait désengorger les artères les plus congestionnées, mais a aussi amené de la congestion là où il n’y en avait pas. Uber devait réduire le nombre de voitures individuelles mais a ajouté des voitures dans nos villes déjà surchargées. Ces usages peuvent aller à l’encontre des politiques publiques menées par les élus locaux pour une ville plus vivable (plan de circulation, moins de voiture, zone apaisée) et laisser un pouvoir trop important à des entreprises privées.
Pour aller plus loin:
Technologies partout, démocratie nulle part. Plaidoyer pour que les choix technologiques deviennent l’affaire de tous
De Irénée Régnauld et Yaël Benayoun
Les sources :
Le Monde :
Convention Citoyenne pour le Climat – Rapport final :
https://www.qqf.fr/infographie/69/pollution-numerique-du-clic-au-declic
Qui eux même prennent les sources de Greenpeace, Green IT, the shift-project, Ademe…
Aussi : rapport de la cour des comptes qui s’interroge sur l’utilité de la vidéo protection :